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au milieu des brumes.

ours polaire ! Il s’est déjà tiré d’affaire une première fois… il s’en tirera une seconde ! »

Je laissai dire Hurliguerly, sachant bien pourquoi le métis se tenait à l’écart.

Dans tous les cas, du moment que Dirk Peters s’obstinait à ne pas répondre, — et les cris du bosseman avaient dû parvenir jusqu’à lui, — il était impossible de se mettre à sa recherche.

Cette nuit-là, j’en ai la conviction, personne, — sauf Endicott peut-être, — ne put dormir. On étouffait sous le couvert des tentes où l’oxygène manquait. Et puis, tous, plus ou moins, nous subissions une impression très particulière, en proie à une sorte de pressentiment bizarre, comme si notre situation allait se modifier en meilleur ou en pire, — en admettant qu’elle pût empirer.

La nuit s’écoula sans alerte, et, à six heures du matin, chacun vint humer au-dehors un air plus salubre.

Même état météorologique que la veille, avec brumes d’une densité extraordinaire. On constata que le baromètre avait remonté, — trop vite, il est vrai, pour que cette hausse fût sérieuse. La colonne de mercure marquait trente pouces deux dixièmes (767 millimètres), le maximum qu’elle eût atteint depuis le passage de l’Halbrane au cercle antarctique.

D’autres indices se révélaient aussi, dont nous avions à tenir compte.

Le vent qui fraîchissait, — vent de sud depuis que nous avions dépassé le pôle austral, — ne tarda pas à souffler en grande brise, — une brise à deux ris, comme disent les marins. Les bruits du dehors s’entendaient plus distinctement à travers l’espace balayé par les courants atmosphériques.

Vers neuf heures, l’ice-berg se décoiffa soudain de son bonnet de vapeurs.

Indescriptible changement de décor qu’une baguette magique n’eût pas accompli en moins de temps et avec plus de succès !

En peu d’instants, le ciel fut dégagé jusqu’aux dernières limites