de vous satisfaire, et de montrer peu d’obligeance envers un Américain. Mais je ne saurais modifier ma conduite. Au cours de la navigation de l’Halbrane, il peut survenir tel ou tel incident imprévu qui rendrait gênante la présence d’un passager… même aussi accommodant que vous l’êtes… Ce serait m’exposer à ne pouvoir profiter de chances que je recherche…
— Je vous ai dit, capitaine, et je vous le répète, que si mon intention est de retourner en Amérique, au Connecticut, il m’est indifférent que ce soit en trois mois ou en six, par un chemin plutôt que par un autre, — et dût votre goélette s’enfoncer au milieu des mers antarctiques…
— Les mers antarctiques ! » s’écria le capitaine Len Guy d’une voix interrogatrice, tandis que son regard me fouillait le cœur comme s’il eût été armé d’une pointe.
« Pourquoi parlez-vous des mers antarctiques ?… reprit-il en me saisissant la main.
— Mais comme je vous aurais parlé des mers boréales… du pôle Nord aussi bien que du pôle Sud… »
Le capitaine Len Guy ne répondit pas, et je crus voir une larme glisser de ses yeux. Puis, se rejetant dans un autre ordre d’idées, désireux de couper court à quelque cuisant souvenir, évoqué par ma réponse :
« Ce pôle Sud, dit-il, qui oserait s’aventurer…
— L’atteindre est difficile… et cela serait sans utilité, répliquai-je. Il se rencontre pourtant des caractères assez aventureux pour se lancer dans de telles entreprises.
— Oui… aventureux !… murmura le capitaine Len Guy.
— Et, tenez, repris-je, voici que les États-Unis font encore une tentative avec la division de Charles Wilkes, le Vancouver, le Peacock, le Porpoise, le Flying-Fish et plusieurs conserves…
— Les États-Unis, monsieur Jeorling ?… Vous affirmez qu’une expédition est envoyée par le gouvernement fédéral dans les mers australes ?…