Aller au contenu

Page:Verne - Le Sphinx des Glaces, 1897.djvu/441

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
399
dirk peters à la mer.

En même temps, afin de les associer dans un même souvenir, le nom de Jane-Sund fut donné au détroit qui séparait les deux parties du continent polaire.

On s’occupa alors de chasser les pingouins, qui pullulaient sur les roches, et aussi de capturer un certain nombre de ces amphibies qui s’ébattaient le long des grèves. Le besoin de viande fraîche se faisait sentir. Accommodée par Endicott, la chair de phoque et de morse nous parut très acceptable. En outre, la graisse de ces animaux pouvait, à la rigueur, servir au chauffage de la caverne et à la cuisson des aliments. Ne point oublier que notre plus redoutable ennemi serait le froid, et tous les moyens propres à le combattre devaient être utilisés. Restait à savoir si, aux approches de l’hiver, ces amphibies n’iraient pas chercher sous de plus basses latitudes un climat moins rigoureux…

Par bonne chance, il y avait encore des centaines d’autres animaux, qui auraient garanti notre petit monde contre la faim, et, au besoin, contre la soif. Sur les grèves rampaient nombre de ces tortues galapagos, auxquelles on a donné le nom d’un archipel de l’océan équinoxial. Telles étaient celles dont parle Arthur Pym et qui servaient à la nourriture des insulaires, telles celles que Dirk Peters et lui trouvèrent au fond du canot indigène, lors de leur départ de l’île Tsalal.

Énormes, ces chéloniens, à marche mesurée, lourde, lente, au cou grêle long de deux pieds, à la tête triangulaire de serpent, et qui peuvent rester des années sans manger. Ici, d’ailleurs, à défaut de céleri, de persil et de pourpier sauvage, ils s’alimentaient des raquettes qui végétaient entre les pierres du littoral.

Si Arthur Pym s’est permis de comparer aux dromadaires les tortues antarctiques, c’est que, comme ces ruminants, elles ont, à la naissance du cou, une poche remplie d’eau fraîche et douce, d’une contenance de deux à trois gallons. D’après son récit, avant la scène de la courte paille, c’était à l’une de ces tortues que les naufragés du Grampus devaient de n’avoir succombé ni à la soif ni à la faim.