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À L’EMBOUCHURE DU META.

pas lieu à s’étonner, ni à regretter de ne point entrer en communication avec eux. En effet, ces Indiens jouissent d’une réputation détestable — qu’ils méritent.

Vers onze heures, le vent ayant refusé, Valdez et les deux patrons firent amener les voiles. Il y eut alors nécessité de naviguer à la palanca, en profitant des remous le long de la rive, où le courant se faisait moins sentir.

Les pirogues ne gagnèrent donc que peu vers l’amont pendant cette journée, maussade et pluvieuse d’ailleurs, et, à cinq heures de l’après-midi, elles vinrent mouiller à l’embouchure du Meta, derrière une pointe de sa rive droite, où elles se trouvèrent en dehors du courant.

Le ciel s’était rasséréné aux approches de la nuit. Il ne pleuvait plus. Un grand calme régnait dans l’atmosphère. Par une trouée des nuages, à l’horizon du couchant, le soleil envoya ses derniers rayons sur les eaux du Meta, qui semblèrent se mêler à celles de l’Orénoque en un ruissellement lumineux.

Les falcas se disposèrent bord à bord, la Gallinetta entre les deux autres. C’était comme si les voyageurs eussent occupé les trois chambres d’une maison unique, — et même trois chambres dont les portes restaient ouvertes.

En ces conditions, après tant d’heures désagréables que la rafale avait obligé à passer sous les roufs, pourquoi ne pas respirer ensemble le bon air du soir, pourquoi ne pas prendre ensemble le repas, pourquoi ne pas s’entretenir comme des amis réunis à la même table ?… Si « ours » qu’il fût, le sergent Martial aurait été mal venu à se plaindre de cette vie en commun.

Les quatre Français et les trois Vénézuéliens fraternisèrent donc. Chacun prit sa part de la conversation, qui fut d’abord engagée par Jacques Helloch sur un terrain où des adversaires allaient se trouver aux mains, — le terrain géographique.

En effet, et malicieusement peut-être, il dit :

« Monsieur Miguel, nous voici mouillés à l’embouchure du Meta…