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LE SUPERBE ORÉNOQUE.

d’échapper au massacre, aux lieux mêmes où tant d’autres furent les victimes de ces cruelles tribus.

Et, décidément, pensa M. Miguel, puisque le Congrès a voté la destruction de cette maudite engeance de Quivas, il ne serait pas trop tôt de se mettre à l’œuvre !

« Je n’ai que ce que je mérite ! » s’était écrié le sergent Martial, en arrachant la flèche qui lui avait déchiré l’épaule.

Et les remords qu’il éprouvait d’avoir regardé plutôt dans le passé que dans le présent pendant sa faction étaient autrement cuisants que les souffrances de sa blessure. Toutefois cette faute ne valait pas la mort d’un homme, — même celle d’un soldat qui s’était laissé surprendre à son poste, et — on l’espérait, — cette blessure ne serait pas mortelle.

Dès que les embarcations des Quivas furent hors de vue, le sergent Martial, étendu sur la litière du rouf, reçut les premiers soins de Jean. Mais il ne suffit pas d’être le neveu de son oncle et d’y déployer tant de zèle, pour tirer celui-ci d’affaire. Encore doit-on posséder quelques connaissances en médecine, et le jeune garçon ne les possédait pas.

Il est donc heureux que Germain Paterne, en sa qualité de naturaliste-botaniste, eût fait ses études en médecine et qu’une boîte de pharmacie fût à bord de la Moriche

Aussi Germain Paterne voulut-il donner au sergent Martial les soins que nécessitait son état, et on ne s’étonnera pas que Jacques Helloch montrât un extrême empressement à lui venir en aide.

Il résulta de ce concours de circonstances que la Gallinetta allait compter deux passagers supplémentaires, durant les premières heures de navigation, — et ils ne purent voir sans en être touchés quelle affection Jean de Kermor témoignait au vieux soldat.

Après avoir examiné la blessure, Germain Paterne reconnut que la pointe de la flèche s’était enfoncée au défaut de l’épaule de trois centimètres, sans atteindre aucun muscle, aucun nerf, la chair seulement. En somme, il n’y avait pas à craindre que cette blessure