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Page:Verne - Le Superbe Orénoque, Hetzel, 1898.djvu/165

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RELÂCHE AU VILLAGE D’ATURES.

pût avoir des conséquences graves, si la flèche n’était pas empoisonnée.

Or, il arrive trop souvent que les Indiens de l’Orénoque trempent leurs flèches dans la liqueur connue sous le nom de curare. Cette liqueur est composée du suc du mavacare, liane de la famille des strychnées, et de quelques gouttes de venin de serpent. Ce produit noirâtre, brillant comme de la réglisse, est très employé par les indigènes. Il paraît même que jadis les Indiens Otomaques, cités dans les récits de Humboldt, enduisaient l’ongle de leur index de cette substance, et communiquaient le poison rien que par un serrement de main.

Or, si le sergent Martial avait été touché par une flèche trempée dans le curare, on le reconnaîtrait bientôt. Le blessé ne tarderait pas à être privé de la voix, puis du mouvement des membres, de la face et du thorax, tout en gardant son intelligence entière jusqu’à la mort qu’on ne pourrait conjurer.

Il convenait donc d’observer si ces symptômes se produiraient pendant les premières heures.

Après le pansement, le sergent Martial ne put faire autrement que de remercier Germain Paterne, quoiqu’il enrageât à la pensée que des relations plus intimes allaient s’établir entre les deux pirogues. Puis il tomba dans une sorte d’assoupissement léthargique, qui ne laissa pas d’inquiéter ses compagnons.

Le jeune garçon s’adressant à Germain Paterne :

« Êtes-vous ou n’êtes-vous pas rassuré sur son état… monsieur ?… demanda-t-il.

— Je ne puis me prononcer encore… répondit Germain Paterne. Il n’y a là, en réalité, qu’une légère blessure… et elle se fermera d’elle-même… si la flèche n’était pas empoisonnée… Attendons et nous serons avant peu fixés à cet égard…

— Mon cher Jean, ajouta Jacques Helloch, ayez bon espoir… Le sergent Martial guérira et guérira vite… Il me semble que s’il s’agissait de curare la plaie aurait déjà un autre aspect…