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LE SUPERBE ORÉNOQUE.

— C’est mon avis, Jacques, déclara Germain Paterne. Au prochain pansement, nous saurons à quoi nous en tenir… et votre oncle… je veux dire le sergent Martial…

— Dieu me le conserve ! murmura le jeune garçon, dont une larme mouillait les yeux.

— Oui… mon cher Jean… répéta Jacques Helloch, Dieu le conservera… Vos soins… les nôtres guériront le vieux soldat !… Je vous le répète, ayez confiance ! »

Et il serra la main de Jean de Kermor, qui tremblait dans la sienne.

Heureusement, le sergent Martial dormait.

MM. Miguel, Felipe et Varinas, — alors que les trois falcas marchaient en ligne sous l’action d’une forte brise du nord-est, — eurent aussitôt des nouvelles du blessé, et voulaient croire qu’il en réchapperait.

En effet, les Quivas emploient souvent le curare pour empoisonner leurs flèches et aussi les traits de leurs sarbacanes ; mais que ce soit une habitude constante, non point. La préparation de ce poison ne peut même se faire que par des « spécialistes », s’il est permis d’employer cette qualification quand il s’agit de sauvages, et il n’est pas toujours facile de recourir à l’industrie de ces praticiens de la savane. Donc, toutes les probabilités étaient pour que l’affaire n’eût aucun dénouement fâcheux.

Au surplus, si, contre toute attente, l’état du sergent Martial exigeait quelques jours de repos, et dans des conditions meilleures que celles où il se trouvait à bord de la Gallinetta, il serait facile de relâcher au village d’Atures, une soixantaine de kilomètres en amont des bouches du Meta.

C’était là, en effet, que les voyageurs devraient attendre pendant une semaine au moins que leurs pirogues, dont ils se seraient séparés, eussent franchi les nombreux rapides compris en cette partie de l’Orénoque. Or, puisque le vent était favorable, il y avait lieu de prévoir que le village d’Atures apparaîtrait dans la journée du lendemain.