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RESPECT AU TAPIR.

— C’est probable, mon cher Jean, et leur capitan, qui paraît doué d’intelligence, les aura décidés à fonder ce village en cet endroit. Le gouvernement vénézuélien aura raison d’encourager ces tentatives, et si quelques missionnaires venaient s’installer à Augustino, ces Piaroas ne tarderaient pas à prendre rang parmi les indigènes civilisés, ces « racionales », comme on les appelle…

— Des missionnaires, monsieur Helloch, répondit Jean. Oui… ces gens de courage et de dévouement réussiraient au milieu de ces tribus indiennes… Et j’ai toujours pensé que ces apôtres, qui abandonnent le bien-être dont ils pourraient jouir, qui renoncent aux joies de la famille, qui poussent le dévouement à ces pauvres sauvages jusqu’au sacrifice de leur vie, remplissent la plus noble des missions au grand honneur de l’humanité… Et voyez, d’après ce qu’on raconte, quels résultats le Père Esperante a obtenus à Santa-Juana, et quel encouragement à l’imiter !

— En effet », répondit Jacques Helloch.

Et il était toujours surpris de trouver des idées si sérieuses, si généreuses aussi, chez ce jeune garçon, évidemment plus avancé que son âge. Aussi ajouta-t-il :

« Mais, mon cher Jean, ce sont là des choses auxquelles on ne pense guère… quand on est jeune…

— Oh ! je suis vieux… monsieur Helloch, répondit Jean, dont le visage rougit légèrement.

— Vieux… à dix-sept ans…

— Dix-sept ans, moins deux mois et neuf jours, affirma le sergent Martial, qui intervint dans la conversation, et je n’entends pas que tu te vieillisses, mon neveu…

— Pardon, mon oncle, je ne me vieillirai plus », répondit Jean, qui ne put s’empêcher de sourire.

Puis, se retournant vers Jacques Helloch :

« Enfin, pour en revenir aux missionnaires, reprit-il, ceux qui se fixeront à Augustino auront à lutter contre les préjugés de ces Indiens, car, au dire de mon guide, ce sont bien les plus crédules