sur moi, il faudra que… Voyons, mon bon Martial, n’est-il pas d’usage qu’un neveu soit tutoyé par son oncle ?…
— C’est l’usage.
— D’ailleurs, est-ce que, depuis notre embarquement, je ne t’ai pas donné l’exemple en te disant tu ?…
— Oui… et pourtant… tu n’as pas commencé trop…
— Trop petit !… interrompit Jean en insistant sur la dernière syllabe de ce mot.
— Oui… petit… petit ! répéta le sergent Martial, dont le regard s’adoucissait en se fixant sur son prétendu neveu.
— Et n’oublie pas, ajouta celui-ci, que « petit » cela se dit pequeño en espagnol.
— Pequeño, répéta de nouveau le sergent Martial. Bon, ce mot-là !… Je le sais, puis une cinquantaine d’autres encore… guère plus, malgré tout ce que j’ai pu y mettre d’attention !
— Oh ! la tête dure ! reprit Jean. Est-ce que chaque jour je ne t’ai pas fait réciter ta leçon d’espagnol pendant la traversée du Pereire…
— Que veux-tu, Jean ?… C’est terrible pour un vieux soldat de mon âge, qui a parlé le français toute sa vie, d’apprendre ce charabia des Andalouses !… Vrai ! j’ai de la peine à m’espagnoliser, comme dit cet autre…
— Cela viendra, mon bon Martial.
— C’est même déjà venu pour la cinquantaine de mots dont j’ai parlé. Je sais demander à manger : « Deme usted algo de comer » ; à boire :
« Deme usted de beber » ; à coucher : « Deme usted una cama » ; par où aller : « Enseñeme usted el camino » ; combien ça coûte : « Cuánto vale esto ? ». Et je sais dire merci : « Gracias ! » et bonjour : « Buenos días », et bonsoir : « Buenas noches », et comment vous portez-vous : « Comó esta usted ? ». Et je suis capable de jurer comme un Aragonais ou un Castillan… Carambi de carambo de caramba…
— Bon… bon !… s’écria Jean, en rougissant un peu. Ce n’est pas