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LE SUPERBE ORÉNOQUE.

du colonel de Kermor, après avoir été sauvée des eaux de l’Orénoque, ne pouvait plus se cacher sous le masque de ce prétendu neveu du sergent Martial ?

Que la nature de ces sentiments n’eût point échappé à Jeanne, qui, âgée de vingt-deux ans, avait pu, sous l’habit d’un jeune garçon, n’en paraître avoir que dix-sept, cela est très naturellement explicable.

Et, en somme, Germain Paterne, qui « n’entendait rien à ces choses-là ! » à en croire son compagnon, avait très bien remarqué les changements qui se produisaient par une inévitable gradation dans le cœur de Jacques Helloch. Et s’il fût venu lui dire : « Jacques, tu aimes mademoiselle Jeanne de Kermor », est-il certain que Jacques lui aurait encore répondu : « Mon pauvre ami, tu n’entends rien à ces choses-là ! »

Et Germain Paterne n’attendait que l’occasion de lui exprimer son opinion à ce sujet, — ne fût-ce que pour réhabiliter en sa propre personne les naturalistes, botanistes et autres savants en istes, qui ne sont point si étrangers aux sentiments les plus délicats de l’âme qu’on veut bien le prétendre en ce bas monde !

Quant au sergent Martial, lorsqu’il songeait à ces divers incidents, son secret découvert, son plan à vau-l’eau, tant de précautions prises que les conséquences de ce maudit chubasco avaient détruites, sa situation d’oncle de Jean de Kermor irrévocablement perdue, puisque ce neveu était une nièce dont il n’était pas même l’oncle, à quelles réflexions se laissait-il aller ?…

Au fond, il était furieux, — furieux contre lui, furieux contre tous. Jean n’aurait pas dû tomber dans le fleuve pendant la bourrasque… Lui-même aurait dû s’y jeter afin de ne pas permettre à un autre de l’en tirer… Ce Jacques Helloch n’avait pas besoin de lui porter secours… Est-ce que cela le regardait ?… Et pourtant, il avait bien fait, parce que sans lui… il… non… elle… eût péri certainement… Il est vrai, on pouvait espérer que cela n’irait pas plus loin… Le secret avait été soigneusement gardé… En observant l’attitude ré-