Page:Verne - Le Superbe Orénoque, Hetzel, 1898.djvu/294

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
264
LE SUPERBE ORÉNOQUE.

extrême précision, de manière à ne pas entamer l’écorce plus profondément qu’il ne faut.

— Alors, répliqua Germain Paterne, ce n’est pas une amputation, ce n’est qu’une saignée. »

Dès que chaque incision eut été achevée, la sève coula, le long de l’arbre, dans un petit pot, placé de façon à la recueillir jusqu’à la dernière goutte.

« Et quelle est la durée de l’écoulement ?… demanda Germain Paterne.

— De six à sept heures », répondit M. Manuel.

Pendant une partie de la matinée, Jacques Helloch et ses compagnons se promenèrent à travers cette plantation, tandis que les gomeros mettaient ces arbres en perce, — expression assez juste dont se servit le sergent Martial. Sept cents arbres furent ainsi soumis à cette opération phlébotomique, qui promettait une abondante récolte de caoutchouc.

On ne revint à l’habitation que pour l’heure du déjeuner, auquel, l’appétit aidant, chacun fit grand honneur. Les deux fils de Manuel avaient organisé une chasse dans la forêt voisine, et le gibier, dont leur mère avait surveillé la cuisson, était excellent. Excellents aussi, les poissons que deux péons avaient pêchés ou fléchés, le matin même, près des berges de l’Orénoque. Excellents les fruits et les légumes du rancho, entre autres les ananas qui, cette année, donnaient à profusion.

Au total, d’avoir assisté au début de la récolte du caoutchouc, d’avoir vu pratiquer les incisions, cela ne pouvait suffire à satisfaire la curiosité de Germain Paterne, et il pria M. Manuel de lui indiquer de quelle manière se continuait l’opération.

« Si vous restiez plusieurs jours à Danaco, répondit le commissaire, vous auriez d’abord à observer ceci : c’est que, pendant les premières heures, après les incisions, la gomme coule avec une certaine lenteur. Aussi se passe-t-il une semaine avant que les arbres aient épuisé leur sève.