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LE SUPERBE ORÉNOQUE.

Ils ont hâte d’être arrivés à la Mission de Santa-Juana, et fasse le ciel que le Père Esperante les mette sur la bonne route, que des renseignements plus précis les conduisent enfin au but ! Puissent-ils aussi éviter une rencontre avec la bande d’Alfaniz, qui risquerait de compromettre le sort de la campagne !

Ce matin-là, presque à l’heure du départ, Jeanne de Kermor avait dit à Jacques Helloch, alors qu’ils se trouvaient seuls :

« Monsieur Helloch, non seulement vous m’avez sauvé la vie mais vous avez voulu joindre vos efforts aux miens… Mon âme est pleine de reconnaissance… Je ne sais comment je pourrai jamais m’acquitter envers vous…

— Ne parlons pas de reconnaissance, mademoiselle, répondit Jacques Helloch. De compatriote à compatriote, ces services sont des devoirs, et ces devoirs, rien ne m’empêchera de les accomplir jusqu’au bout !

— De nouveaux, de graves dangers nous menacent peut-être, monsieur Jacques…

— Non… je l’espère ! D’ailleurs, c’est une raison pour que je n’abandonne pas Mlle  de Kermor… Moi… vous abandonner… car, ajouta-t-il en regardant la jeune fille qui baissait les yeux, c’est bien cela que vous avez eu la pensée de me dire…

— Monsieur Jacques… oui… je voulais… je devais… Je ne puis abuser ainsi de votre générosité… J’étais partie seule pour ce long voyage… Dieu vous a mis sur mon chemin, et je l’en remercie du fond du cœur… Mais…

— Mais votre pirogue vous attend, mademoiselle, comme m’attend la mienne, et elles iront ensemble au même but… J’ai pris cette résolution, sachant à quoi je m’engageais, et ce que j’ai résolu de faire, je le fais… Si, pour que je vous laisse continuer seule cette navigation, vous n’avez pas d’autre raison que les dangers dont vous parlez…

— Monsieur Jacques, répondit vivement Mlle  de Kermor, quelles autres raisons pourrais-je avoir ?…