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Page:Verne - Le Superbe Orénoque, Hetzel, 1898.djvu/362

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LE SUPERBE ORÉNOQUE.

— Quatre heures après ?… Et pour quelle raison ?…

— Il s’était égaré à travers la forêt… il ne pouvait retrouver la direction de la sierra, et, cette fois, il nous menaça de son revolver… il jura qu’il nous tuerait si nous refusions…

— Et ton père a été obligé…

— Oui… mon père… mon pauvre père ! répondit le jeune Indien. L’Espagnol l’avait saisi par le bras… il l’avait entraîné hors de la case… il le forçait à marcher devant lui… Moi, je les suivais… Nous avons été ainsi pendant une heure… Mon père, qui ne voulait pas guider cet homme, faisait des détours sans trop s’éloigner… Je le comprenais bien, car je connais la forêt… Mais l’Espagnol finit par le comprendre aussi… Il devint furieux… il accabla mon père d’injures… il le menaça de nouveau… Mon père, que la colère prit alors, se précipita sur l’Espagnol… Il y eut une lutte qui ne dura pas longtemps… Mon père étant sans armes… Je ne pus lui porter secours… Un coup de feu partit… et il tomba, tandis que l’homme s’enfuyait… Je relevai mon père… Le sang sortait de sa poitrine… Il n’avait plus la force de parler… Il voulut revenir vers la case… Il ne put se traîner que jusqu’ici… où il est mort !… »

Et l’enfant, tout plein de cet amour filial qui caractérise les tribus indigènes du haut Orénoque, se jeta en pleurant sur le corps de l’Indien.

Il fallut le calmer, le consoler, et surtout lui donner à entendre que l’on vengerait son père… On retrouverait l’assassin… on lui ferait expier son crime…

À ces paroles, les yeux de Gomo se rouvrirent, et, à travers ses larmes, brilla le feu de la vengeance.

Jacques Helloch lui posa une dernière question.

« Tu as bien vu cet homme ?… demanda-t-il.

— Oui… je l’ai vu… et je n’oublierai jamais sa figure.

— Peux-tu nous dire comment il était vêtu… sa taille… ses cheveux… ses traits ?…