— Et vous avez été recueillis à Santa-Juana par le Père Esperante ?…
— Oui… un homme si bon !… Et il voulait nous retenir… Quelques-uns sont restés…
— Pourquoi êtes-vous partis ?…
— Mon père l’a voulu… Nous sommes des Banivas… Son désir était de regagner les territoires… Il avait été batelier sur le fleuve… Je savais déjà… je me servais d’une petite pagaie… À quatre ans… je ramais avec lui… »
Ce que disait le jeune garçon n’était pas pour étonner Jacques Helloch et ses compagnons. D’après le récit du voyageur français, ils connaissaient le caractère de ces Banivas, les meilleurs mariniers de l’Orénoque, depuis nombre d’années convertis au catholicisme, des Indiens intelligents et honnêtes. C’était par suite de circonstances particulières, — et parce que la mère de Gomo appartenait à une tribu de l’est, — que son père avait été se fixer au village de San-Salvador, au-delà des sources du fleuve. Et, en prenant cette décision de quitter Santa-Juana, il obéissait à son instinct qui le poussait à retourner vers les llanos entre San-Fernando et Caïcara. Il guettait donc une occasion, l’arrivée de pirogues à bord desquelles il eût pu trouver du service, et, en attendant, il habitait cette misérable case de la sierra Parima.
Et que fût devenu son enfant, après l’assassinat commis par Jorrès, si les falcas n’eussent été dans la nécessité de s’arrêter au campement du pic Maunoir ?…
C’est à toutes ces choses que réfléchissait Jeanne de Kermor, en écoutant le jeune Indien. Puis, elle ramenait la conversation sur Santa-Juana, sur l’état actuel de la Mission, plus particulièrement sur le Père Esperante. Gomo répondait avec netteté à toutes ces questions. Il dépeignait le missionnaire espagnol, un homme grand, vigoureux, malgré sa soixantaine d’années, — beau… beau… répétait-il, sa barbe blanche, ses yeux qui brillaient comme du feu, tel que l’avaient dépeint M. Manuel Assomption et le misérable