long de la rive du rio, le sergent Martial, Germain Paterne et le jeune Indien dormaient encore, enveloppés de leurs couvertures, le chapeau sur les yeux.
Le marinier de garde au bord de la grève, après s’être rapproché de Jacques Helloch et de Valdez, les entretenait de ce qu’il avait observé pendant sa faction. D’ailleurs, il confirmait le dire de Valdez. Lui aussi avait reconnu Jorrès dans l’homme qui rôdait sur la berge du Torrida.
Tout d’abord, Jacques Helloch fit à tous les deux la recommandation de ne rien dire. Inutile de révéler les dangers de la situation aggravée par cette rencontre. Il suffisait qu’elle leur fût connue, et c’était à eux de prendre les mesures qu’exigeait la sécurité de leurs compagnons.
Après réflexions et arguments pour ou contre, il avait été décidé que la petite troupe continuerait à se diriger vers la Mission de Santa-Juana.
En effet, si Alfaniz occupait les environs, si Jacques Helloch et les siens devaient être attaqués, cette attaque se produirait aussi bien pendant une marche en avant que pendant un retour en arrière. Il est vrai, à revenir vers l’Orénoque, on serait couvert par le rio Torrida, à moins qu’il ne fût franchissable en amont. Dans ce cas, rien n’empêcherait les Quivas de redescendre jusqu’au campement du pic Maunoir, et ce n’était pas avec le renfort du personnel des pirogues que l’on parviendrait à repousser leur agression.
Marcher vers Santa-Juana présentait, au contraire, quelques avantages. D’abord on conserverait la protection du rio Torrida, tant qu’il ne serait pas guéable, — et il y aurait lieu d’interroger Gomo à ce sujet. Ensuite, c’était se rapprocher du but, c’était peut-être l’atteindre, et il n’y aurait plus rien à craindre à la Mission de Santa-Juana, avec sa population qui comptait plusieurs centaines de Guaharibos, ces Indiens dont le dévouement d’un missionnaire avait fait des hommes. Santa-Juana offrait un refuge assuré contre toute tentative d’Alfaniz.