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LE SUPERBE ORÉNOQUE.

nombre n’avaient rien à apprendre au sujet de l’Orénoque, l’ayant vingt fois remonté ou descendu, les uns jusqu’aux bouches de l’Apure, les autres jusqu’à la bourgade de San-Fernando de Atabapo. La plupart étaient des commerçants, des trafiquants, qui transportaient des marchandises vers l’intérieur, ou les ramenaient vers les ports de l’est. À citer les plus ordinaires entre ces divers objets de trafic, des cacaos, des peaux, cuirs de bœufs et de cerfs, des minerais de cuivre, des phosphates, des bois pour charpente, ébénisterie, marqueterie, teinture, fèves de tonka, caoutchouc, salsepareille, et enfin le bétail, car l’élevage forme la principale industrie des llaneros répandus sur les plaines.

Le Venezuela appartient à la zone équatoriale. La moyenne de la température y est donc comprise entre vingt-cinq et trente degrés centigrades. Mais elle est variable, ainsi que cela se produit dans les pays de montagnes. C’est entre les Andes du littoral et celles de l’ouest que la chaleur acquiert le plus d’intensité, c’est-à-dire à la surface de ces territoires où s’arrondit le lit de l’Orénoque, et auxquels ne parviennent jamais les brises marines. Même les vents généraux, les alizés du nord et de l’est, arrêtés par l’écran orographique des côtes, ne peuvent apporter un adoucissement aux rigueurs de ce climat.

Ce jour-là, par un ciel couvert, avec quelques menaces de pluie, les passagers ne souffraient pas trop de la chaleur. La brise, venant de l’ouest, à contre de la marche du steamboat, donnait aux passagers une sensation de bien-être très appréciable.

Le sergent Martial et Jean, sur le spardeck, observaient les rives du fleuve. Leurs compagnons de voyage se montraient assez indifférents à ce spectacle. Seul le trio des géographes en étudiait les détails, non sans discuter avec une certaine animation.

Certes, s’il s’était adressé à eux, Jean aurait pu être exactement renseigné. Mais, d’une part, le sergent Martial, très jaloux, très sévère, n’eût permis à aucun étranger d’entrer en conversation avec son neveu, et, d’autre part, celui-ci n’avait besoin de personne pour reconnaître pas à pas les villages, les îles, les détours du fleuve.