Page:Verne - Le Superbe Orénoque, Hetzel, 1898.djvu/441

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
396
LE SUPERBE ORÉNOQUE.

messe d’action de grâces. Pendant cette messe dite par le Père Esperante, quelle impression éprouva la jeune fille, lorsqu’elle vit pour la première fois son père devant l’autel. Et quelle eût été celle du sergent Martial, s’il avait pu être présent à cet office célébré par son colonel !…

Il est inutile de raconter par le menu ces journées qui s’écoulèrent à la Mission de Santa-Juana. Que l’on sache, avant tout, que la santé du blessé se refit à vue d’œil. Dès la fin de la semaine, il avait permission de s’asseoir dans un bon fauteuil de cuir de cerf, à l’ombre des palmiers.

Le colonel de Kermor et sa fille avaient eu de longues conversations sur le passé. Jeanne apprit alors comment, époux privé de sa femme, père privé de ses enfants, il avait voulu mettre toute sa vie dans cette œuvre apostolique. Pourrait-il donc l’abandonner maintenant, la laissant inachevée ?… Non, assurément… Jeanne resterait près de lui… elle lui consacrerait son existence entière…

Et, à ces entretiens succédaient ceux du Père Esperante et du sergent Martial.

Le missionnaire remerciait le vieux soldat de ce qu’il avait fait pour sa fille… Il le remerciait d’avoir consenti à ce voyage… Puis il l’interrogeait sur le compte de Jacques Helloch… Il lui demandait s’il ne les avait pas observés tous deux… Jeanne et lui…

« Que voulez-vous, mon colonel, répondait le sergent Martial, j’avais pris toutes mes précautions… C’était Jean… un jeune gars de Bretagne… un neveu que son oncle faisait voyager dans ce pays de sauvages… Il a fallu que Jacques Helloch et notre chère fille se soient rencontrés en route… J’ai tout fait pour empêcher… je n’ai pas pu !… Le diable s’en est mêlé…

— Non… Dieu, mon brave compagnon !… » répondit le Père Esperante.

Cependant le temps marchait et les choses n’avançaient pas. En somme, pourquoi Jacques Helloch hésitait-il à parler ?… Se trom-