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LA MARIPARE ET LA GALINETTA

de sables, qui obligent à des portages de longue durée. L’Orénoque a ses caprices, ses colères tout comme l’Océan, et on ne les affronte pas sans risques et périls.

Ces mariniers, c’est aux tribus riveraines qu’il est d’habitude de les demander. Nombre de ces indigènes dont c’est l’unique métier, savent accomplir leur tâche avec grande habileté et non moins grande audace. Entre les plus sûrs, on cite les Banivas, dont les peuplades fréquentent principalement les territoires arrosés par le triple cours du Guaviare, de l’Orénoque et de l’Atabapo. Après avoir remonté le fleuve, soit avec des passagers, soit avec des marchandises, ils le redescendent jusqu’à Caïcara, afin d’y attendre de nouveaux voyageurs et de nouvelles cargaisons.

Peut-on se fier à ces mariniers ?… Médiocrement, cela n’est que trop vrai. Ce serait donc une garantie à cet égard, s’il n’y avait qu’un équipage à recruter. Ainsi raisonnait le sage M. Miguel, et il raisonnait juste. En outre, puisqu’il s’intéressait vivement au jeune garçon, Jean ne pourrait que gagner à avoir pour compagnons de voyage ses deux amis et lui.

Donc, féru de cette idée, il était résolu à pressentir le sergent Martial, et, dès qu’il les aperçut au petit port de Caïcara, Jean et lui se démarchant pour noliser une embarcation, il n’hésita pas à les accoster.

Froncement des sourcils du vieux soldat, et mine peu engageante à l’égard de son interlocuteur.

« Monsieur le sergent, dit M. Miguel, en un français qu’il parlait très correctement, nous avons eu le plaisir de naviguer ensemble à bord du Simon-Bolivar

— Et d’en débarquer hier soir », répondit le sergent Martial, les pieds rassemblés, raide comme un fantassin au port d’arme.

M. Miguel voulut bien attribuer un sens aimable à cette phrase, et il continua :

« Mes deux amis et moi, c’est à Las Bonitas seulement… dans une conversation entre votre neveu… »