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LE SUPERBE ORÉNOQUE.

La bouche du sergent Martial commença à se contracter, — mauvais symptôme, — et, interrompant M. Miguel :

« Plaît-il… une conversation ?…

— Entre M. Jean de Kermor et le gouverneur, que nous avons connu votre intention de débarquer à Caïcara…

— Je pense que nous n’avions à demander la permission de personne ?… répliqua le grognard d’un ton rogue.

— De personne, assurément, reprit M. Miguel, bien décidé à ne point tenir compte du mauvais accueil réservé sans doute à sa proposition. Mais, ayant appris quel était le but de votre voyage…

— Un !… marmotta le sergent Martial entre ses dents, comme s’il comptait combien de fois il aurait à répondre aux questions du bienveillant géographe.

— Dans quelles conditions votre neveu allait à la recherche du colonel de Kermor, son père…

— Deux !… prononça le sergent Martial.

— Et sachant que votre intention était de remonter l’Orénoque jusqu’à San-Fernando…

— Trois !… bougonna le sergent Martial.

— Je viens vous demander, puisque mes collègues et moi nous nous rendons au même lieu, s’il ne serait pas plus convenable, plus avantageux, plus sûr aussi, de faire le trajet de Caïcara à San-Fernando avec la même embarcation… »

Si jamais offre fut acceptable, c’était bien celle que venait d’émettre M. Miguel. Il ne semblait pas qu’il pût exister un motif de la rejeter. En choisissant une pirogue de dimension suffisante, les cinq voyageurs accompliraient certainement leur navigation dans des conditions plus favorables.

Le sergent Martial ne devait donc pas avoir une apparence de bonne raison à opposer, et, cependant, sans même consulter son neveu, en homme dont le parti est pris d’avance, il répondit sèchement :

« Très honoré, monsieur, très honoré !… Que votre proposition