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le testament d’un excentrique

— C’est probable, et, étant donné l’original, je m’attends à quelque originalité… Eh bien, si ce qu’il demande est possible, ce sera fait, et si c’est impossible, comme on dit en France… ça se fera. Dans tous les cas, mes amis, vous pouvez compter sur Harris T. Kymbale, et il ne reculera pas d’une semelle ! »

Non ! pour l’honneur du journalisme, il ne reculerait pas, qu’ils en fussent bien certains, ceux qui le connaissaient et aussi ceux qui ne le connaissaient pas, s’il s’en fût trouvé dans la population chicagoise. N’importe les conditions imposées par le défunt, le chroniqueur en chef de la Tribune les acceptait et les remplirait jusqu’au bout !… S’agit-il de partir pour la lune, il partirait, et, à moins que la respiration lui manquât faute d’air, il ne s’arrêterait pas en route.

Quel contraste entre cet Américain si résolu et son cohéritier pour un sixième, désigné sous le nom d’Hermann Titbury, lequel demeurait dans ce quartier commerçant traversé du sud au nord par la longue chaussée de Robey Street.

Lorsque les envoyés de la Staats Zeitung eurent sonné à la porte du numéro 77, ils ne parvinrent pas à en franchir le seuil.

« Monsieur Hermann Titbury, dirent-ils à travers l’entrebâillement, est-il chez lui ?…

— Oui, répondit une espèce de géante, mal coiffée, mal tenue, une sorte de dragon femelle.

— Peut-il nous recevoir ?…

— Je vous ferai réponse, lorsque je l’aurai demandé à Mrs. Titbury. »

Car il existait une Mrs. Kate Titbury, âgée de cinquante ans, soit deux ans de plus que son mari. Et la réponse que fit cette matrone et que transmit fidèlement la servante, fut :

« Monsieur Titbury n’a point à vous recevoir, et il s’étonne qu’on se permette de le déranger ! ».

Il n’était pourtant question que d’avoir accès dans son bureau, non dans son dining-room, de lui demander quelques renseignements sur sa personne, non de prendre place à sa table.