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les « six ».

Mais n’y avait-il pas d’autres Chicagois de ce nom ?… Aucun, du moins au 77 de Robey Street. Quant à admettre qu’il risquait d’être le jouet d’un mystificateur, allons donc ! Hermann Titbury se voyait déjà en possession du sixième de l’énorme fortune, et son grand regret, son dépit même, c’était de n’avoir pas été seul désigné par le sort. Aussi était-ce plus que de l’envie qu’il éprouvait pour ses cinq autres cohéritiers, c’était de la haine, — d’accord là-dessus avec le commodore Urrican, — et ce que Mrs Titbury et lui pensaient de ces intrus, mieux vaut le laisser imaginer au lecteur.

Certes, le sort avait commis une de ces grossières erreurs dont il est coutumier, en appelant ce peu intéressant, ce peu sympathique personnage, à recevoir une part de l’héritage de William J. Hypperbone, si tant est que cela fût entré dans les intentions de cet original.

Du reste, le lendemain des funérailles, dès cinq heures du matin. M.  et Mrs Titbury avaient quitté leur demeure, s’étaient rendus au cimetière d’Oakswoods. Là, ils avaient fait lever le gardien, et, d’une voix où se sentait la plus vive inquiétude :

« Rien de nouveau… cette nuit ?… demandèrent-ils.

— Rien de nouveau, répondit le gardien.

— Ainsi… il est bien mort ?…

— Aussi mort qu’on peut l’être, soyez tranquilles ! » déclara le brave homme, qui attendit vainement quelque gratification pour sa bonne réponse.

Tranquilles, oui, en effet ! Le défunt ne s’était pas réveillé de l’éternel sommeil, et rien n’avait troublé le repos des sombres hôtes du champ d’Oakswoods.

M.  et Mrs Titbury rentrèrent chez eux ; mais, une fois encore dans l’après-midi et dans la soirée, puis le lendemain, ils refirent la longue route, afin de s’assurer par eux-mêmes que William J. Hypperbone n’était pas revenu en ce monde sublunaire.

En voilà assez sur ce couple destiné à figurer dans cette singulière histoire, et auquel pas un de ses voisins ne vint adresser un compliment sur son heureuse chance.