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Page:Verne - Le Testament d’un excentrique, Hetzel, 1899.djvu/57

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le testament d’un excentrique

Lorsque les deux reporters de la Freie Presse furent arrivés Calumet Street, non loin du lac de ce nom situé dans la partie méridionale de la ville, au milieu d’un quartier populeux et industriel, ils demandèrent aux agents où se trouvait la maison de Tom Crabbe.

Elle portait le numéro 7, la maison de Tom Crabbe, ou, à vrai dire, celle de son entraîneur. En effet, c’était John Milner qui l’assistait dans ces mémorables luttes, dont les gentlemen sortent le plus souvent les yeux pochés, la mâchoire démantibulée, la poitrine défoncée d’une ou deux côtes, la bouche démunie de quelques dents, pour l’honneur du championnat dans une boxe nationale.

Tom Crabbe était donc un professionnel, actuellement le champion du Nouveau-Monde, depuis qu’il avait vaincu le fameux Fitzsimons, lequel avait vaincu cette année le non moins fameux Corbett.

Les informateurs pénétrèrent sans difficulté dans la maison de John Milner et furent reçus au rez-de-chaussée par ledit entraîneur, — un homme de taille ordinaire, d’une maigreur invraisemblable, la peau sur les os, mais tout muscles, tout nerfs, le regard perçant, les dents aiguës, la face glabre, d’une agilité de chamois, d’une adresse de singe.

« Tom Crabbe ?… lui demanda-t-on.

— Il est en train d’achever son premier déjeuner, répondit-il d’une voix aigre.

— Peut-on le voir ?…

— À quel propos ?…

— À propos du testament de William J. Hypperbone et pour parler de lui dans notre journal…

— Quand il s’agit de parler de Tom Crabbe, répliqua John Milner, Tom Crabbe est toujours visible. »

Les reporters entrèrent dans la salle à manger, et se trouvèrent en présence du personnage. Il avalait sa sixième tranche de jambon fumé, son sixième chanteau de pain beurré, sa sixième pinte d’half and half, en attendant le thé qui infusait dans la grosse bouil-