Page:Verne - Le Volcan d’or version originale.djvu/135

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des massifs de bouleaux et de trembles. Du reste, le Forty Miles promenait ses eaux assez rapides, d’un étiage moyen alors, à travers une vallée encadrée de hauteurs. En maint endroit se montraient les maisonnettes, cabanes ou huttes des prospecteurs, et sur un espace de deux à trois kilomètres, on comptait plusieurs centaines de travailleurs.

De l’autre côté de la frontière, en territoire américian, se retrouvaient des installations semblables. Seulement la vallée s’élargissait en amont. Aussi, outre les claims de rivières, voyait-on de nombreux claims de montagnes dont la concession comporte une étendue qui peut dépasser deux cent cinquante pieds sans aller au-delà de mille.

Ainsi que ne l’ignoraient ni Ben Raddle ni Summy Skim, le 129 confinait au 127, séparés par le méridien dont la rectification était demandée par les deux pays. Ce 127 était la propriété du Texien Hunter, qui l’exploitait depuis un an, et venait de commencer sa seconde campagne. Qu’il eût eu des contestations avec son voisin Josias Lacoste, les deux cousins ne pouvaient en douter, maintenant qu’ils le connaissaient.

Quant à la propriété du 129, il va sans dire qu’elle avait été régulièrement établie, lorsque Josias Lacoste en prit concession, conformément aux règles en usage. Déclaration de la découverte fut faite, acceptée par l’État et enregistrée dans les délais voulus au bureau du Commissaire des Mines du Dominion, moyennant une somme annuelle de soixante-quinze francs. De plus, un droit régalien de dix pour cent de l’or extrait devait être perçu, sous peine d’être exproprié en cas de fraude dans le rendement du placer. Enfin, Josias Lacoste n’était jamais tombé sous le coup de la loi d’après laquelle tout claim qui est resté sans être creusé pendant soixante-douze heures au cours de la belle saison fait retour au domaine public. Il n’y avait eu interruption des travaux que depuis sa mort, en attendant que ses héritiers eussent pris possession de leur héritage.

L’exploitation entreprise par Josias Lacoste avait duré dix-huit mois, et s’était faite, en somme, sans grand profit. Les frais de premier établissement, engagement du personnel, transport, etc., furent assez élevés. Il y eut même une soudaine inondation du Forty Miles qui occasionna d’assez gros dommages en bouleversant les travaux. Bref, le propriétaire du 129 avait à peine couvert ses dépenses, lorsque la mort vint le surprendre.

Mais, on le sait, dans ces affaires si aléatoires, quel est le prospecteur qui perd jamais espoir, qui ne se croit pas toujours à la veille de rencontrer une riche veine, de découvrir quelques pépites de grande valeur, de laver des plats de mille à quatre mille francs ?…

Au total, peut-être Josias Lacoste aurait-il réussi, bien qu’il n’eût à sa disposition qu’un matériel très restreint. Il n’employait pas le système des rockers et se bornait à creuser des puits mesurant de quinze à vingt

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