Page:Verne - Le Volcan d’or version originale.djvu/157

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En l’absence de Summy Skim, qui ne se serait peut-être pas contenu, Ben Raddle eut l’occasion d’apercevoir Hunter et Malone. La maisonnette qu’occupaient les deux Texiens faisait le pendant de l’habitation de Lorique au pied du talus opposé. Précisément, en attendant qu’elle fût ou non déplacée, la ligne de frontière suivait le thalweg du ravin, en remontant vers le nord. Aussi, de sa chambre, Ben Raddle put-il observer Hunter et son compagnon durant leur visite du 127, où les ouvriers travaillaient sous la direction du contremaître américain.

Tous deux traversèrent obliquement le claim en descendant le sentier ménagé entre les puits. Un rocker et un sluice fonctionnaient en ce moment, et le cliquetis des bascules, le tumulte de l’eau qui s’écoulait vers le creek produisaient un bruit assourdissant.

Ben Raddle parut ne vouloir prêter aucune attention à ce qui se passait sur le 127 ; mais, ne cherchant point à se cacher, il resta appuyé sur la barre de la fenêtre qui s’ouvrait au rez-de-chaussée de la maisonnette.

Hunter et Malone s’avancèrent jusqu’au poteau limitatif et s’arrêtèrent. Ils causaient avec animation. Il semblait qu’ils ne ménageaient guère leurs hommes, car plus d’un fut brutalement admonesté, et le contremaître lui-même eut sa part de ces admonestations.

Après avoir dirigé leurs regards vers le creek et observé les claims de la rive droite, désignés par les numéros pairs, ils firent quelques pas du côté du ravin. Qu’ils fussent de la plus méchante humeur, ce n’était pas douteux, et cela provenait de ce que depuis le commencement de la campagne, le rendement du 127, très médiocre, ne couvrait guère les frais. Et combien ils devaient en être irrités davantage, car ils ne pouvaient ignorer que les dernières semaines avaient valu au claim Lacoste des bénéfices assez importants.

Hunter et Malone continuèrent à remonter vers le ravin, et s’arrêtèrent à peu près à la hauteur de l’habitation de Lorique. De là, ils aperçurent Ben Raddle, accoudé sur la fenêtre, et qui ne parut pas leur prêter attention. Mais ce que celui-ci vit bien, c’est qu’ils le désignaient de la main, et que leurs gestes violents, leurs voix furieuses cherchaient à le provoquer.

Très sagement, Ben Raddle n’y prit pas garde, et lorsque les deux Texiens se furent retirés, il vint reprendre le maniement du rocker avec Lorique.

« Vous les avez vus, monsieur Raddle, dit alors celui-ci.

— Oui, Lorique, répondit Ben Raddle, et leurs provocations ne me feront pas sortir de ma réserve…

— Mais Monsieur Skim ne paraît pas être d’humeur si endurante…

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