Page:Verne - Le Volcan d’or version originale.djvu/158

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— Il faudra bien qu’il se calme, déclara Ben Raddle, et nous ne devons même pas avoir l’air de connaître ces gens-là. »

Les jours suivants s’écoulèrent sans incidents. Summy Skim — et son cousin l’y poussait — partait dès le matin pour la chasse avec l’Indien, et ne revenait que tard dans l’après-midi. De rencontre avec Hunter, il n’y en eut donc pas. Il était toutefois de plus en plus difficile d’empêcher ces ouvriers américains et canadiens de se trouver en contact. Leurs travaux sur le filon les rapprochaient chaque jour du poteau à la limite des deux claims. Assurément le moment arrivait où pour employer une locution du contremaître « ils seraient pic à pic et pioche à pioche ! » La moindre contestation pourrait engendrer une discussion, la discussion un conflit, le conflit une rixe, qui dégénèrerait bientôt en bataille. Lorsque ces hommes seraient lancés les uns contre les autres, qui pourrait les arrêter ? Hunter et Malone n’essaieraient-ils pas de provoquer la révolte sur tous les gisements de leurs compatriotes contre ceux du Dominion voisins de la frontière ? Avec de tels aventuriers tout était à craindre. La police de Fort Cudahy et de Dawson-City serait impuissante à rétablir l’ordre.

Pendant quarante-huit heures, les deux Texiens ne se montrèrent pas, et peut-être, précisément en vue d’un mouvement, avaient-ils été parcourir les placers du Forty Miles Creek qui occupaient le territoire alaskien.

En leur absence, il se produisit bien quelques altercations entre les ouvriers. Il y eut même un incident qui mit aux prises Lorique et le contremaître du 127. Peut-être même les mineurs furent-ils sur le point de prendre parti pour leurs chefs ; mais cela n’alla pas plus loin.

Comme le temps paraissait assez incertain, avec grand vent du nord, Summy Skim n’était point parti pour la chasse. Mais Ben Raddle avait su l’empêcher d’intervenir, ce à quoi il n’eût pas réussi sans doute si Hunter et Malone eussent été présents.

Pendant trois jours encore, il lui fut impossible de se livrer à son plaisir favori. En outre, la pluie tombait parfois à torrents, et il fallait rester à l’abri dans la maisonnette. Le lavage des graviers devenait très difficile dans ces conditions ; les puits se remplissaient jusqu’à l’orifice, et leur trop-plein s’écoulait à la surface du claim qu’il transformait en boue épaisse où l’on s’enfonçait jusqu’au genou.

Il suit de là que la besogne dut être interrompue des deux côtés, et elle ne put reprendre que le 3 août dans l’après-midi. Après une matinée pluvieuse, le ciel se rasséréna sous l’influence du vent de sud-est. Mais il était à craindre qu’il amenât des orages, lesquels sont souvent terribles à cette époque de l’année et occasionnent parfois de véritables désastres.

La veille, les deux Texiens étaient rentrés au 127 et ne quittèrent que le lendemain la maison de leur contremaître.

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