Page:Verne - Le Volcan d’or version originale.djvu/165

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de la frontière. L’inondation avait provoqué une dérivation du rio qui s’était creusé un nouveau lit à travers le ravin dans le nord du 127 et du 129. Il semblait même probable que toute exploitation y serait désormais impossible.

Quant à ce désastre, il eût été difficile au premier moment d’en apprécier l’importance. Pendant la nuit, bien que le soleil n’eût disparu que deux heures et demie derrière l’horizon, une obscurité profonde enveloppa la contrée. Si les maisonnettes, les cabanes, les huttes des mineurs avaient été détruites, si la plupart étaient maintenant sans abri, si le nombre des blessés, le nombre des morts, les uns écrasés sous les décombres, les autres noyés dans le nouveau lit du creek, était considérable, on ne le saurait que le lendemain. Que toute cette population d’émigrants répandue sur les placers fût obligée d’abandonner cette région, dont l’exploitation ne pourrait être poursuivie, on ne le saurait qu’après avoir constaté l’importance de la catastrophe.

En réalité, ce qui paraissait avoir causé un désastre absolument irréparable, c’était le déversement d’une partie des eaux du Forty Miles Creek sur les gisements voisins de ses deux rives. Il fallait que, sous la poussée des forces souterraines, le fond de son lit eût été soulevé, et ce lit se fût vidé en entier, si ce fond eût été relevé au niveau des deux bords. Il y avait donc lieu de penser que cette inondation n’était point passagère. Dans ces conditions, comment reprendre les fouilles d’un sol submergé sous cinq à six pieds d’une eau courante dont on ne pourrait provoquer la dérivation. Le nouveau rio continuerait à couler vers le sud jusqu’à l’endroit où il deviendrait tributaire d’un autre creek.

Quelle nuit de terreur et d’angoisses eurent à passer les pauvres gens frappés par cette soudaine catastrophe ! Ils avaient dû regagner les hauteurs afin de ne pas être atteints par le débordement. Ils n’avaient aucun abri, et l’orage dura jusqu’à cinq heures du matin. La foudre frappa à maintes reprises les bois de bouleaux et de trembles où s’étaient retirées les familles. En même temps, une pluie torrentielle, mélangée de grêlons, ne cessa de tomber. Si Lorique n’eût indiqué une grotte creusée dans le talus de droite en remontant le ravin, et dans laquelle Summy Skim et lui transportèrent Ben Raddle, ils n’auraient trouvé refuge nulle part.

On imagine aisément à quelles idées ils devaient s’abandonner ! C’était donc pour être les victimes de ce désastre que les deux cousins n’avaient pas reculé devant un tel voyage au Klondike ! Tous leurs efforts auraient été faits en pure perte ! Ils ne pourraient plus rien avoir de cet héritage de leur oncle, pas même ce que l’exploitation avait produit en six semaines. Des pépites, de la poudre d’or recueillie depuis la reprise des travaux sous la direction de l’ingénieur, il ne restait plus rien. Après la chute de

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