Page:Verne - Le Volcan d’or version originale.djvu/41

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Pendant la traversée des Rocheuses, les voyageurs purent entrevoir le Mont Stephen, Cathedral Peake, aux tournants du railroad qui s’élevait, des sites superbes, et plus particulièrement ces Titans de Selkirks, éternellement coiffés de leur calotte de neige, des glaciers à perte de vue. Et, au milieu de ces solitudes régnait le « silence of all life », que troublaient les hennissements de la locomotive.

Avant de quitter Montréal, Summy Skim s’était muni de ce guide-book, le Short, qui est publié par les soins de la Compagnie du Canadian Pacific railway. S’il ne pouvait visiter tous les lieux célèbres signalés dans ce livre, du moins en lisait-il les descriptions. Il s’en rapportait au rédacteur du guide-book, d’ailleurs, pour le choix des hôtels dans les diverses stations où le train s’arrêtait. Il n’était point rare qu’ils fussent de premier ordre, confort remarquable et cuisine excellente, ce que changeait un peu l’ordinaire du dining-wagon, tels ceux de Skyte-house à la station de Field, et celui de Glacier-house, dont la vue s’étend, magnifique, sur le groupe des Selkirks.

Du reste, à mesure que le train gagnait vers l’ouest, des régions s’ouvraient devant lui, non point ces riches terres fertiles auxquelles le travail assure les beaux rendements d’un sol que la production n’a pas encore épuisé. Non ! C’étaient ces territoires de Kootaway, ces Gold fields du Caribou, où l’or fut rencontré et se rencontre abondamment encore, tout ce réseau hydrographique qui roule des paillettes du précieux métal. Il y avait même lieu de se demander pourquoi les prospecteurs ne fréquentaient pas plus assidûment un pays qu’il était aisé d’atteindre, au lieu d’affronter les fatigues d’un lointain voyage au Klondike, sans parler des dépenses excessives qu’il exige.

Et Summy Skim de se dire, et de se répéter à mesure que le train l’emportait plus loin de Montréal et de Green Valley :

“En vérité, c’est bien dans ce Caribou que l’oncle Josias aurait dû venir tenter la fortune !… Nous serions arrivés maintenant !… Ce qu’aurait valu son exploitation, nous le saurions à l’heure présente !… Nous en aurions fait argent dans les vingt-quatre heures, et notre absence n’aurait pas duré plus d’une semaine !…

Oui, en effet, mais il était sans doute écrit sur le grand livre de la destinée que Summy Skim s’aventurerait jusqu’à cette terrifiante région du Klondike, et pataugerait dans les boues du Forty Miles Creek.

Le train continua donc vers la frontière littorale de la Colombie, en obliquant au sud-ouest. Aucun incident ne marque cette dernière partie du voyage de quatre mille six cent soixante-quinze kilomètres, et, après six jours, les deux cousins quittaient le wagon de la Canadian Pacific Company et prenaient enfin pied à Vancouver.

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