Page:Verne - Le Volcan d’or version originale.djvu/78

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Cependant la bourrasque avait pris fin dès l’aube. Avec cette brusquerie que le thermomètre constate en ces régions élevées, le vent ayant halé le nord-est, la température était retombée à douze degrés sous zéro.

Comme une épaisse couche de neige le recouvrait, le sol acquit aussitôt une extrême dureté. Cette circontance devait faciliter le glissement des traîneaux, à la condition que les rampes ne fussent pas trop raides, et Bill Stell put rassurer ses compagnons à cet égard.

Du reste, l’aspect de la région s’était modifié. Pendant trois à quatre lieues, les bois allaient faire complètement défaut. Au-delà des talus s’étendaient des plaines blanches dont la réverbération blessait les yeux : on aurait eu à en souffrir davantage, si la neige eût été prête à fondre, ce qui rend les cas d’ophtalmie très fréquents. Aussi, dans ces occasions, les voyageurs, qui se sont munis de lunettes bleues, les affourchent-ils sur leur nez. Ceux qui n’en ont pas, en sont réduits à se barbouiller les cils et les paupières avec du charbon de bois.

C’est ce que firent Ben Raddle et Summy Skim sur le conseil du Scout. Quant aux sœurs, leur capeline rabattue, elles n’avaient point à craindre les effets de cette réverbération. D’ailleurs, ayant repris place dans le traîneau, elles n’eurent point à faire usage de leurs yeux, et restèrent blotties sous les couvertures.

Ces deux religieuses, plus habituées à donner des soins qu’a en recevoir, se montraient toujours touchées des attentions de leurs compatriotes. Mais Summy Skim répondait toujours que ce n’était point pour elles mais pour les malades de Dawson-City qu’ils désiraient leur arrivée en bon état dans la capitale du Klondike.

« D’ailleurs, s’il le faut, répétait-il, Ben ou moi, il nous arrivera sans doute d’entrer à l’hôpital, et nous serons sûrs d’y être bien soignés… C’est pur égoïsme de notre part ! »

Dans la soirée du 4 mai, la caravane fit halte au sommet de la passe Chilkoot, et le Scout y établit son campement. Le lendemain, on prendrait les mesures nécessaires pour effectuer la descente sur le revers septentrional du massif.

Le plateau, en cet endroit, était situé à la hauteur de (…) pieds, altitude inférieure à celle de la White Pass, estimée à (…) pieds.

On se figure ce que devait être l’encombrement à cet endroit entièrement découvert et exposé à toutes les rigueurs de ce climat. Plus de deux mille émigrants l’occupaient alors. C’est là qu’ils organisaient les « caches » où ils abritaient une partie de leur matériel. En effet, la descente ne s’effectuait pas sans d’extrêmes difficultés, et on ne pouvait procéder que par petites charges, afin d’éviter les catastrophes. Et alors, tous ces gens aux-

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