Page:Verne - Le Volcan d’or version originale.djvu/79

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

quels la vision des claims aurifères du Klondike donnait une énergie, une ténacité surnaturelles, après être descendus au pied de la montagne, remontaient au sommet, reprenaient une seconde part du matériel, la descendaient et remontaient encore, et cela quinze ou vingt fois, s’il le fallait, pendant d’interminables jours. C’est alors que les attelages de chiens rendaient d’inappréciables services pour le tirage des traîneaux, et encore la plupart des traîneaux étaient-ils remplacés par des peaux de bœufs que l’on faisait plus facilement glisser sur la neige durcie des pentes. Mais alors les vents du nord battaient de plein fouet ce revers du Chilkoot, et à lutter contre lui, que d’épouvantables souffrances. Mais tous ces malheureux voyaient ouvertes devant leurs pas les plaines du Klondike. Ils se disaient que ces territoires (…) fortune (…)[1] déceptions !

Bill Stell et sa caravane n’avait point à prolonger son séjour sur ce sommet, ni à établir des caches, puisqu’ils en étaient réduits à leurs seuls bagages, et, après avoir atteint la base du massif, ils n’auraient point à en remonter la passe. Lorsqu’ils auraient mis le pied sur la plaine, il ne leur resterait plus à franchir qu’une distance de quelques lieues pour atteindre enfin la pointe du lac Linderman.

Aussi, dès le lendemain, 6 mai, le Scout lèverait-il ses tentes et substituerait aux mules des deux traîneaux l’attelage de chiens que l’un de ses hommes tenait en réserve sur le plateau.

Les dispositions furent prises comme d’habitude. Mais cette dernière nuit fut des plus mauvaises. Brusquement la température s’était relevée, et la tourmente reprit avec une nouvelle violence. Cette fois les tentes n’avaient plus comme la veille l’abri d’un ravin. Ni Summy Skim, ni Ben Raddle, ni les religieuses ne purent s’y établir. À plusieurs reprises, la rafale les arracha de leurs piquets, et il fallut enfin les serrer, sans quoi elles eussent été emportées au milieu des tourbillons de neige. Il n’y eut d’autres ressources que de s’envelopper dans les couvertures, et d’attendre philosophiquement le retour de l’aube.

« Et en vérité, pensait Summy Skim, ce ne serait pas trop de toute la philosophie de tous les philosophes anciens et modernes pour accepter les abominations d’un tel voyage, surtout lorsque rien ne vous obligeait à le faire ! »

En effet, pendant les rares accalmies, au milieu d’une obscurité profonde, en l’absence de tout foyer qu’il eût été impossible de maintenir, éclatèrent des cris de douleur et de terreur, des imprécations horribles. Aux gémissements des blessés que la rafale roulait à la surface du sol, se mêlaient les aboiements, les hennissements, les meuglements des bêtes effarées à travers le plateau.

  1. J. V. laisse en blanc deux lignes où il comptait décrire l’espoir de la fortune et la réalité des déceptions
80