Page:Verne - Le Volcan d’or version originale.djvu/99

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— Non, bien que des centaines d’ouvriers y travaillent.

— Et vous venez, mon brave Bill, qu’il ne sera pas achevé à notre retour…

— À moins que vous ne restiez au Klondike plus longtemps que vous ne le pensez, répondit Bill Stell. On sait bien quand on y va, mais on ne sait pas quand on en revient…

— Tu entends, Ben » dit Summy Skim en s’adressant à son cousin. D’ailleurs celui-ci ne chercha point à répondre.

Ce fut dans l’après-midi du lendemain, 15 mai, que le bateau, en descendant la rivière, atteignit les rapides de White Horse. Il n’était pas le seul à s’aventurer dans cette dangereuse passe. D’autres embarcations le suivaient, et combien de celles qui se présentaient ainsi en amont, ne se retrouveraient pas en aval !…

On comprendra donc que les pilotes affectés au service du White Horse exigent un prix élevé pour franchir ces trois kilomètres. Comme ce prix est de cent cinquante francs, cela leur vaut de beaux bénéfices, et ils ne songent guère à abandonner ce lucratif métier pour celui de prospecteurs.

Il est souvent nécessaire, avant de les lancer dans le courant, de décharger les bateaux d’une partie de leur cargaison que l’on reprend ensuite. Les embarcations ainsi allégées peuvent être dirigées plus sûrement entre les récifs.

Mais le Scout, dont le bateau n’était point alourdi par un pesant matériel, ne jugea point indispensable cette mesure, et Neluto partagea son avis. Tous deux d’ailleurs connaissaient parfaitement les passes.

« Ne vous effrayez pas, recommanda le Scout aux religieuses.

— Nous avons confiance en vous », répondit sœur Marthe.

En cet endroit, la vitesse du courant est de cinq lieues à l’heure. Il ne faudrait donc qu’un temps très court pour descendre les trois kilomètres des rapides. Mais il faut faire tant de détours entre les roches de basalte capricieusement semées entre les deux rives, pour éviter les glaçons, autant d’écueils mouvants dont le choc fracasserait la plus solide embarcation, que la durée du trajet en est extrêmement allongée. À plusieurs reprises, le bateau, appuyé sur les avirons, dut virer bout pour bout sous la menace d’un abordage soit avec un glaçon soit avec un canot, et l’habileté de Neluto le tira de plus d’un mauvais pas.

« Attention… attention ! » cria le Scout, lorsque le bateau eut franchi les trois-quarts du passage.

Il importait, en effet, de bien se tenir aux bancs pour ne point être jetés par dessus le bord. Le dernier saut de ces rapides est le plus redou-

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