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le volcan d’or.

reux Summy désarmé. Celui-ci, décidé à vendre chèrement sa vie, prit par le canon son fusil transformé en massue et, de pied ferme, attendit.

Soudain, l’ours chancela. Attaqué de flanc, il lui fallait faire face à un nouvel ennemi, qui n’était autre que Patrick Richardson. Sans autres armes que celles dont la nature l’avait pourvu, l’Irlandais était venu à la rescousse et, selon les règles de la savate la plus pure, il avait décoché dans le flanc droit de l’ours un coup de pied si magistral que l’élan de la bête féroce en fut brisé.

L’ours fit sur lui-même un quart de conversion, et, déchirant l’air d’un effroyable rugissement, se lança sur l’audacieux qui le bravait. Les spectateurs de cette scène rapide poussèrent un cri d’effroi. Seul, Patrick, ramassé sur lui-même, ne manifesta aucune émotion.

C’était vraiment un beau spectacle : d’un côté un animal gigantesque emporté par la plus furieuse des colères, se précipitant avec l’aveuglement de la brute, griffes dardées, crocs menaçants ; de l’autre, un superbe échantillon physique de la race des hommes, aussi grand, aussi fort que son terrifiant adversaire, moins bien armé sans aucun doute, mais remplaçant, quelle que fût la modestie de son rang sur l’échelle intellectuelle, l’infériorité de ses armes naturelles par cette flamme de l’intelligence dont l’espèce humaine a l’exclusif privilège.

On aurait cru revivre une scène des temps préhistoriques, au cours desquels nos premiers ancêtres durent, par l’unique force de leurs muscles, conquérir la terre inconnue et hostile. Cette fois encore, l’intelligence devait triompher. À l’instant précis où l’ours allait étouffer Patrick entre ses bras velus, celui de l’Irlandais se détendit rapide comme la foudre, et son poing vint frapper, avec la violence d’une catapulte, l’assaillant en plein museau.

Le coup avait été formidable. L’ours vacilla sur ses pattes de