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« P. P. C. »

Ce modèle était précisément le gabarit du fameux canon perfectionné par Schultze, et plus précieux pour lui qu’aucun des autres objets enfermés dans le musée.

Mais, pour sauver ce modèle, il s’agissait de se jeter sous une pluie de feu, à travers une atmosphère de fumée noire qui devait être irrespirable. Sur dix chances, il y en avait neuf d’y rester ! Aussi, malgré l’appât des dix mille dollars, personne ne répondait à l’appel de Herr Schultze.

Un homme se présenta alors.

C’était Marcel.

« J’irai, dit-il.

— Vous ! s’écria Herr Schultze.

— Moi !

— Cela ne vous sauvera pas, sachez-le, de la sentence de mort prononcée contre vous !

— Je n’ai pas la prétention de m’y soustraire, mais d’arracher à la destruction ce précieux modèle !

— Va donc, répondit Herr Schultze, et je te jure que, si tu réussis, les dix mille dollars seront fidèlement remis à tes héritiers.

— J’y compte bien », répondit Marcel.

On avait apporté plusieurs de ces appareils Galibert, toujours préparés en cas d’incendie, et qui permettent de pénétrer dans les milieux irrespirables. Marcel en avait déjà fait usage, lorsqu’il avait tenté d’arracher à la mort le petit Carl, l’enfant de dame Bauer.

Un de ces appareils, chargé d’air sous une pression de plusieurs atmosphères, fut aussitôt placé sur son dos. La pince fixée à son nez, l’embouchure des tuyaux à sa bouche, il s’élança dans la fumée.

« Enfin ! se dit-il. J’ai pour un quart d’heure d’air dans le réservoir !… Dieu veuille que cela me suffise ! »

On l’imagine aisément, Marcel ne songeait en aucune façon à sauver le gabarit du canon Schultze. Il ne fit que traverser, au péril de sa vie, la salle emplie de fumée, sous une averse de brandons ignescents, de poutres calcinées, qui, par miracle, ne l’atteignirent pas, et, au moment où le toit s’effondrait au milieu d’un feu d’artifice d’étincelles, que le vent emportait jusqu’aux nuages, il s’échappait par une porte opposée qui s’ouvrait sur le parc.

Courir vers la petite rivière, en descendre la berge jusqu’au déversoir inconnu qui l’entraînait au-dehors de Stahlstadt, s’y plonger sans hésitation, ce fut pour Marcel l’affaire de quelques secondes.