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UN ARTICLE DE L’« UNSERE CENTURIE »

gnie était venue offrir à prix réduits. Il faut dire aussi que l’affluence des coolies chinois dans l’Amérique occidentale jetait à ce moment une perturbation grave sur le marché des salaires. Plusieurs États avaient dû recourir, pour protéger les moyens d’existence de leurs propres habitants et pour empêcher des violences sanglantes, à une expulsion en masse de ces malheureux. La fondation de France-Ville vint à point pour les empêcher de périr. Leur rémunération uniforme fut fixée à un dollar par jour, qui ne devait leur être payé qu’après l’achèvement des travaux, et à des vivres en nature distribués par l’administration municipale. On évita ainsi le désordre et les spéculations éhontées qui déshonorent trop souvent ces grands déplacements de population. Le produit des travaux était déposé toutes les semaines, en présence des délégués, à la grande Banque de San-Francisco, et chaque coolie devait s’engager, en le touchant, à ne plus revenir. Précaution indispensable pour se débarrasser d’une population jaune, qui n’aurait pas manqué de modifier d’une manière assez fâcheuse le type et le génie de la cité nouvelle. Les fondateurs s’étant d’ailleurs réservé le droit d’accorder ou de refuser le permis de séjour, l’application de la mesure a été relativement aisée.

« La première grande entreprise a été l’établissement d’un embranchement ferré, reliant le territoire de la ville nouvelle au tronc du Pacific-Railroad et tombant à la ville de Sacramento. On eut soin d’éviter tous les bouleversements de terres ou tranchées profondes qui auraient pu exercer sur la salubrité une influence fâcheuse. Ces travaux et ceux du port furent poussés avec une activité extraordinaire. Dès le mois d’avril, le premier train direct de New-York amenait en gare de France-Ville les membres du comité, jusqu’à ce jour restés en Europe.

« Dans cet intervalle, les plans généraux de la ville, le détail des habitations et des monuments publics avaient été arrêtés.

« Ce n’étaient pas les matériaux qui manquaient : dès les premières nouvelles du projet, l’industrie américaine s’était empressée d’inonder les quais de France-Ville de tous les éléments imaginables de construction. Les fondateurs n’avaient que l’embarras du choix. Ils décidèrent que la pierre de taille serait réservée pour les édifices nationaux et pour l’ornementation générale, tandis que les maisons seraient faites de briques. Non pas, bien entendu, de ces briques grossièrement moulées avec un gâteau de terre plus ou moins bien cuit, mais de briques légères, parfaitement régulières de forme, de poids et de densité, transpercées dans le sens de leur longueur d’une série de trous cylindriques et parallèles. Ces trous, assemblés bout à bout, devaient former