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LES 500 MILLIONS DE LA BÉGUM

maître tendaient à développer l’esprit de l’enfant en le soumettant à une gymnastique intellectuelle, calculée de manière à suivre l’évolution naturelle de ses facultés. On lui apprenait à aimer une science avant de s’en bourrer, évitant ce savoir qui, dit Montaigne, « nage en la superficie de la cervelle », ne pénètre pas l’entendement, ne rend ni plus sage ni meilleur. Plus tard, une intelligence bien préparée saurait, elle-même, choisir sa route et la suivre avec fruit.

Les soins d’hygiène étaient au premier rang dans une éducation si bien ordonnée. C’est que l’homme, corps et esprit, doit être également assuré de ces deux serviteurs ; si l’un fait défaut, il en souffre, et l’esprit à lui seul succomberait bientôt.

À cette époque, France-Ville avait atteint le plus haut degré de prospérité, non-seulement matérielle, mais intellectuelle. Là, dans des congrès, se réunissaient les plus illustres savants des deux mondes. Des artistes, peintres, sculpteurs, musiciens, attirés par la réputation de cette cité, y affluaient. Sous ces maîtres étudiaient de jeunes Francevillais, qui promettaient d’illustrer un jour ce coin de la terre américaine. Il était donc permis de prévoir que cette nouvelle Athènes, française d’origine, deviendrait avant peu la première des cités.

Il faut dire aussi que l’éducation militaire des élèves se faisait dans les Lycées concurremment avec l’éducation civile. En en sortant, les jeunes gens connaissaient, avec le maniement des armes, les premiers éléments de stratégie et de tactique.

Aussi, le colonel Hendon, lorsqu’on fut sur ce chapitre, déclara-t-il qu’il était enchanté de toutes ses recrues.

« Elles sont, dit-il, déjà accoutumées aux marches forcées, à la fatigue, à tous les exercices du corps. Notre armée se compose de tous les citoyens, et tous, le jour où il le faudra, se trouveront soldats aguerris et disciplinés. »

France-Ville avait bien les meilleures relations avec tous les États voisins, car elle avait saisi toutes les occasions de les obliger ; mais l’ingratitude parle si haut, dans les questions d’intérêt, que le docteur et ses amis n’avaient pas perdu de vue la maxime : Aide-toi le ciel t’aidera ! et ils ne voulaient compter que sur eux-mêmes.

On était à la fin du dîner ; le dessert venait d’être enlevé, et, selon l’habitude anglo-saxonne qui avait prévalu, les dames venaient de quitter la table.

Le docteur Sarrasin, Octave, le colonel Hendon et M. Lentz continuaient la conversation commencée, et entamaient les plus hautes questions d’économie politique, lorsqu’un domestique entra et remit au docteur son journal.

C’était le New-York Herald. Cette honorable feuille s’était toujours montrée