Page:Verne - Les Enfants du capitaine Grant.djvu/255

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

— Hélas ! non, mon garçon ! Tout ce que je puis affirmer, c’est que le capitaine Grant est prisonnier des Australiens, ou…

— Mais ces indigènes, demanda vivement lady Glenarvan, sont-ils… ?

— Rassurez-vous, Madame, répondit le savant, qui comprit la pensée de lady Helena, ces indigènes sont sauvages, abrutis, au dernier échelon de l’intelligence humaine, mais de mœurs douces, et non sanguinaires comme leurs voisins de la Nouvelle-Zélande. S’ils ont fait prisonniers les naufragés du Britannia, ils n’ont jamais menacé leur existence, vous pouvez m’en croire. Tous les voyageurs sont unanimes sur ce point que les Australiens ont horreur de verser le sang, et maintes fois ils ont trouvé en eux de fidèles alliés pour repousser l’attaque des bandes de convicts bien autrement cruels.

— Vous entendez ce que dit monsieur Paganel, reprit lady Helena en s’adressant à Mary Grant. Si votre père est entre les mains des indigènes, ce que fait pressentir d’ailleurs le document, nous le retrouverons…

— Et s’il est perdu dans cet immense pays ? répondit la jeune fille dont les regards interrogeaient Paganel.

— Eh bien ! s’écria le géographe d’un ton confiant, nous le retrouverons encore ! N’est-ce pas, mes amis ?

— Sans doute, répondit Glenarvan, qui voulut donner à la conversation une moins triste allure. Je n’admets pas qu’on se perde…

— Ni moi non plus, répliqua Paganel.

— Est-ce grand, l’Australie ? demanda Robert.

— L’Australie, mon garçon, a quelque chose comme sept cent soixante-quinze millions d’hectares, autant dire les quatre cinquièmes de l’Europe.

— Tant que cela ? dit le major.

— Oui, Mac Nabbs, à un yard près. Croyez-vous qu’un pareil pays ait le droit de prendre la qualification de « continent » que le document lui donne ?

— Certes, Paganel.

— J’ajouterai, reprit le savant, que l’on cite peu de voyageurs qui se soient perdus dans cette vaste contrée. Je crois même que Leichardt est le seul dont le sort soit ignoré, et encore j’avais été informé à la Société de géographie, quelque temps avant mon départ, que Mac Intyre croyait avoir retrouvé ses traces.

— Est-ce que l’Australie n’a pas été parcourue dans toutes ses parties ? demanda lady Glenarvan.

— Non, Madame, répondit Paganel, tant s’en faut ! Ce continent n’est pas mieux connu que l’intérieur de l’Afrique, et, cependant, ce n’est pas faute de voyageurs entreprenants. De 1606 jusqu’en 1862, plus de cin-