Page:Verne - Les Enfants du capitaine Grant.djvu/254

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points où l’Australie est coupée par le trente-septième parallèle.

— Ainsi, mylord, dit la jeune fille, il y a doute à cet égard ?

— Oh ! non, miss, se hâta de répondre John Mangles, qui voulut dissiper cette appréhension de Mary Grant. Son Honneur voudra bien remarquer que si le capitaine Grant eût atterri aux rivages est de l’Australie, il aurait presque aussitôt trouvé secours et assistance. Toute cette côte est anglaise, pour ainsi dire, et peuplée de colons. L’équipage du Britannia n’avait pas dix milles à faire pour rencontrer des compatriotes.

— Bien, capitaine John, répliqua Paganel. Je me range à votre opinion. À la côte orientale, à la baie Twofold, à la ville d’Éden, Harry Grant eût non-seulement reçu asile dans une colonie anglaise, mais les moyens de transport ne lui auraient pas manqué pour retourner en Europe.

— Ainsi, dit lady Helena, les naufragés n’ont pu trouver les mêmes ressources sur cette partie de l’Australie vers laquelle le Duncan nous mène ?

— Non, Madame, répondit Paganel, la côte est déserte. Nulle voie de communication ne la relie à Melbourne ou Adélaïde. Si le Britannia s’est perdu sur les récifs qui la bordent, tout secours lui a manqué, comme s’il se fût brisé sur les plages inhospitalières de l’Afrique.

— Mais alors, demanda Mary Grant, qu’est devenu mon père, depuis deux ans ?

— Ma chère Mary, répondit Paganel, vous tenez pour certain, n’est-il pas vrai, que le capitaine Grant a gagné la terre australienne après son naufrage ?

— Oui, Monsieur Paganel, répondit la jeune fille.

— Eh bien, une fois sur ce continent, qu’est devenu le capitaine Grant ? Les hypothèses ici ne sont pas nombreuses. Elles se réduisent à trois. Ou Harry Grant et ses compagnons ont atteint les colonies anglaises, ou ils sont tombés aux mains des indigènes, ou enfin ils se sont perdus dans les immenses solitudes de l’Australie. »

Paganel se tut, et chercha dans les yeux de ses auditeurs une approbation de son système.

« Continuez, Paganel, dit lord Glenarvan.

— Je continue, répondit Paganel ; et d’abord, je repousse la première hypothèse. Harry Grant n’a pu arriver aux colonies anglaises, car son salut était assuré, et depuis longtemps déjà il serait auprès de ses enfants dans sa bonne ville de Dundee.

— Pauvre père ! murmura Mary Grant, depuis deux ans séparé de nous !

— Laisse parler monsieur Paganel, ma sœur, dit Robert, il finira par nous apprendre…