Page:Verne - Les Enfants du capitaine Grant.djvu/311

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blancs, dont l’inflorescence est si variable. Le règne végétal, dans cette contrée des « spring plains[1], » ne se montrait pas ingrat envers l’astre du jour, et il rendait en parfums et en couleurs ce que le soleil lui donnait en rayons.

Quant au règne animal, il était plus avare de ses produits. Quelques casoars bondissaient dans la plaine, sans qu’il fût possible de les approcher. Cependant le major fut assez adroit pour frapper d’une balle au flanc un animal fort rare, et qui tend à disparaître. C’était un « jabiru, » la grue géante des colons anglais. Ce volatil avait cinq pieds de haut, et son bec noir, large, conique, à bout très-pointu, mesurait dix-huit pouces de longueur. Les reflets violets et pourpres de sa tête contrastaient vivement avec le vert lustré de son cou, l’éclatante blancheur de sa gorge et le rouge vif de ses longues jambes. La nature semblait avoir épuisé en sa faveur toute la palette des couleurs primitives.

On admira beaucoup cet oiseau, et le major aurait eu les honneurs de la journée, si le jeune Robert n’eût rencontré, quelques milles plus loin, et bravement assommé une bête informe, moitié hérisson, moitié fourmilier, un être à demi ébauché comme les animaux des premiers âges de la création. Une langue extensible, longue et gluante, pendait hors de sa gueule entée, et pêchait les fourmis qui forment sa principale nourriture.

« C’est un échidné ! dit Paganel, donnant à ce monothrème son véritable nom. Avez-vous jamais vu un pareil animal ?

— Il est horrible, répondit Glenarvan.

— Horrible, mais curieux, reprit Paganel ; de plus, particulier à l’Australie, et on le chercherait en vain dans toute autre partie du monde. »

Naturellement, Paganel voulut emporter le hideux échidné et le mettre dans le compartiment des bagages. Mais Mr. Olbinett réclama avec une telle indignation, que le savant renonça à conserver cet échantillon des monothrèmes.

Ce jour-là, les voyageurs dépassèrent de trente minutes le cent quarante et unième degré de longitude. Jusqu’ici, peu de colons, peu de squatters s’étaient offerts à leur vue. Le pays semblait désert. D’aborigènes, il n’y en avait pas l’ombre, car les tribus sauvages errent plus au nord à travers les immenses solitudes arrosées par les affluents du Darling et du Murray.

Mais un curieux spectacle intéressa la troupe de Glenarvan. Il lui fut donné de voir un de ces immenses troupeaux que de hardis spéculateurs amènent des montagnes de l’est jusqu’aux provinces de Victoria et de l’Australie méridionale.

  1. Plaines arrosées par des sources nombreuses.