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ceux de Colomb, de Vespuce, de Pinçon, de Magellan, étaient de dimensions bien inférieures[1].

Le Duncan avait deux mâts : un mât de misaine avec misaine, goëlette-misaine, petit hunier et petit perroquet ; un grand mât portant brigantine et flèche ; de plus, une trinquette, un grand foc, un petit foc et des voiles d’étai. Sa voilure était suffisante, et il pouvait profiter du vent comme un simple clipper ; mais, avant tout, il comptait sur la puissance mécanique renfermée dans ses flancs. Sa machine, d’une force effective de cent soixante chevaux, et construite d’après un nouveau système, possédait des appareils de surchauffe qui donnaient une tension plus grande à sa vapeur ; elle était à haute pression et mettait en mouvement une hélice double. Le Duncan à toute vapeur pouvait acquérir une vitesse supérieure à toutes les vitesses obtenues jusqu’à ce jour. En effet, pendant ses essais dans le golfe de la Clyde, il avait fait, d’après le patent-log[2], jusqu’à dix-sept milles à l’heure[3]. Donc, tel il était, tel il pouvait partir et faire le tour du monde. John Mangles n’eut à se préoccuper que des aménagements intérieurs.

Son premier soin fut d’abord d’agrandir ses soutes, afin d’emporter la plus grande quantité possible de charbon, car il est difficile de renouveler en route les approvisionnements de combustible. Même précaution fut prise pour les cambuses, et John Mangles fit si bien qu’il emmagasina pour deux ans de vivres ; l’argent ne lui manquait pas, et il en eut même assez pour acheter un canon à pivot qui fut établi sur le gaillard d’avant du yacht ; on ne savait pas ce qui arriverait, et il est toujours bon de pouvoir lancer un boulet de huit à une distance de quatre milles.

John Mangles, il faut le dire, s’y entendait ; bien qu’il ne commandât qu’un yacht de plaisance, il comptait parmi les meilleurs skippers de Glasgow ; il avait trente ans, les traits un peu rudes, mais indiquant le courage et la bonté. C’était un enfant du château, que la famille Glenarvan éleva et dont elle fit un excellent marin. John Mangles donna souvent des preuves d’habileté, d’énergie et de sang-froid dans quelques-uns de ses voyages au long cours. Lorsque lord Glenarvan lui offrit le commandement du Duncan, il l’accepta de grand cœur, car il aimait comme un

  1. Le quatrième voyage de Christophe Colomb s’est opéré avec quatre navires. Le plus grand, la caravelle capitaine que montait Colomb, jaugeait 70 tonneaux ; le plus petit, 50 seulement. C’étaient de véritables caboteurs.
  2. Le patent-log est un instrument qui, au moyen d’aiguilles tournant sur un cercle gradué, indique la vitesse du bâtiment.
  3. 17 milles ou 17 nœuds. Le mille marin étant de 1852 mètres, 17 milles font 7 lieues et 7 dixièmes, près de 8 lieues de 4 kilomètres.