Page:Verne - Les Enfants du capitaine Grant.djvu/39

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frère le seigneur de Malcolm-Castle, et cherchait, sans l’avoir rencontrée jusqu’alors, l’occasion de se dévouer pour lui.

Le second, Tom Austin, était un vieux marin digne de toute confiance ; vingt-cinq hommes, en comprenant le capitaine et le second, composaient l’équipage du Duncan ; tous appartenaient au comté de Dumbarton ; tous, matelots éprouvés, étaient fils des tenanciers de la famille et formaient à bord un clan véritable de braves gens auxquels ne manquait même pas le piper-bag[1] traditionnel. Lord Glenarvan avait là une troupe de bons sujets, heureux de leur métier, dévoués, courageux, habiles dans le maniement des armes comme à la manœuvre d’un navire, et capables de le suivre dans les plus hasardeuses expéditions. Quand l’équipage du Duncan apprit où on le conduisait, il ne put contenir sa joyeuse émotion, et les échos des rochers de Dumbarton se réveillèrent à ses enthousiastes hurrahs.

John Mangles, tout en s’occupant d’arrimer et d’approvisionner son navire, n’oublia pas d’aménager les appartements de lord et de lady Glenarvan pour un voyage de long cours. Il dut préparer également les cabines des enfants du capitaine Grant, car lady Helena n’avait pu refuser à Mary la permission de la suivre à bord du Duncan.

Quant au jeune Robert, il se fût caché dans la cale du yacht plutôt que de ne pas partir. Eût-il dû faire le métier de mousse, comme Nelson et Franklin, il se serait embarqué sur le Duncan. Le moyen de résister à un pareil petit bonhomme ! On n’essaya pas. Il fallut même consentir « à lui refuser » la qualité de passager, car, mousse, novice ou matelot, il voulait servir. John Mangles fut chargé de lui apprendre le métier de marin.

« Bon, dit Robert, et qu’il ne m’épargne pas les coups de martinet, si je ne marche pas droit !

— Sois tranquille, mon garçon, » répondit Glenarvan d’un air sérieux, et sans ajouter que l’usage du chat à neuf queues[2] était défendu, et, d’ailleurs, parfaitement inutile à bord du Duncan.

Pour compléter le rôle des passagers, il suffira de nommer le major Mac Nabbs. Le major était un homme âgé de cinquante ans, d’une figure calme et régulière, qui allait où on lui disait d’aller, une excellente et parfaite nature, modeste, silencieux, paisible et doux ; toujours d’accord sur n’importe quoi, avec n’importe qui, il ne discutait rien, il ne se disputait pas, il ne s’emportait point ; il montait du même pas l’escalier de sa chambre à coucher ou le talus d’une courtine battue en brèche, ne s’émouvant de rien au monde, ne se dérangeant jamais, pas même pour un boulet

  1. Le joueur de cornemuse qui existe encore dans les régiments de highlanders.
  2. C’est un martinet composé de neuf courroies, fort en usage dans la marine anglaise.