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Page:Verne - Les Enfants du capitaine Grant.djvu/531

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ce cas, l’œil reste dans son orbite et regarde. Les Néo-Zélandais montrent ces restes avec orgueil ; ils les offrent à l’admiration des jeunes guerriers, et leur payent un tribut de vénération par des cérémonies solennelles.

Mais dans le pah de Kai-Koumou, les têtes d’ennemis ornaient seules cet horrible muséum, et là, sans doute, plus d’un Anglais, l’orbite vide, augmentait la collection du chef maori.

La case de Kai-Koumou, entre plusieurs huttes de moindre importance, s’élevait au fond du pah, devant un large terrain découvert que des Européens eussent appelé « le champ de bataille. » Cette case était un assemblage de pieux calfeutrés d’un entrelacement de branches, et tapissé intérieurement de nattes de phormium. Vingt pieds de long, quinze pieds de large, dix pieds de haut faisaient à Kai-Koumou une habitation de trois mille pieds cubes. Il n’en faut pas plus pour loger un chef zélandais.

Une seule ouverture donnait accès dans la hutte ; un battant à bascule, formé d’un épais tissu végétal, servait de porte. Au dessus, le toit se prolongeait en manière d’impluvium. Quelques figures sculptées au bout des chevrons ornaient la case, et le « wharepuni » ou portail offrait à l’admiration des visiteurs des feuillages, des figures symboliques, des monstres, des rinceaux contournés, tout un fouillis curieux, né sous le ciseau des ornemanistes indigènes.

À l’intérieur de la case, le plancher fait de terre battue s’élevait d’un demi-pied au-dessus du sol. Quelques claies en roseaux, et des matelas de fougère sèche recouverts d’une natte tissée avec les feuilles longues et flexibles du « typha, » servaient de lits. Au milieu, un trou en pierre formait le foyer, et, au toit, un second trou servait de cheminée. La fumée, quand elle était suffisamment épaisse, se décidait enfin à profiter de cette issue, non sans avoir déposé sur les murs de l’habitation un vernis du plus beau noir.

À côté de la case s’élevaient les magasins qui renfermaient les provisions du chef, sa récolte de phormium, de patates, de taros, de fougères comestibles, et les fours où s’opère la cuisson de ces divers aliments au contact de pierres chauffées. Plus loin, dans de petites enceintes, parquaient des porcs et des chèvres, rares descendants des utiles animaux acclimatés par le capitaine Cook. Des chiens couraient çà et là, quêtant leur maigre nourriture. Ils étaient assez mal entretenus pour des bêtes qui servent journellement à l’alimentation du Maori.

Glenarvan et ses compagnons avaient embrassé cet ensemble d’un coup d’œil. Ils attendaient auprès d’une case vide le bon plaisir du chef, non sans être exposés aux injures d’une bande de vieilles femmes. Cette troupe