Page:Verne - Les Enfants du capitaine Grant.djvu/554

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« Tout va bien, » dit Wilson.

John fit signe à Glenarvan de reprendre sa descente.

Glenarvan se laissa glisser doucement sur le talus ; bientôt lady Helena et lui prirent pied sur l’étroit sentier où les attendait Robert.

La corde fut secouée trois fois, et, à son tour, John Mangles, précédant Mary Grant, suivit la périlleuse route.

Son opération réussit ; il rejoignit lord et lady Glenarvan dans le trou signalé par Robert.

Cinq minutes plus tard, tous les fugitifs, heureusement évadés du Waré-Atoua, quittaient leur retraite provisoire, et, fuyant les rives habitées du lac, ils s’enfonçaient, par d’étroits sentiers, au plus profond des montagnes.

Ils marchaient rapidement, cherchant à se défier de tous les points où quelque regard pouvait les atteindre. Ils ne parlaient pas, ils glissaient comme des ombres à travers les arbrisseaux. Où allaient-ils ? À l’aventure, mais ils étaient libres.

Vers cinq heures, le jour commença à poindre. Des nuances bleuâtres marbraient les hautes bandes de nuages. Les brumeux sommets se dégageaient des vapeurs matinales. L’astre du jour ne devait pas tarder à paraître, et ce soleil, au lieu de donner le signal du supplice, allait, au contraire, signaler la fuite des condamnés.

Il fallait donc, avant ce moment fatal, que les fugitifs se fussent mis hors de la portée des sauvages, afin de les dépister par l’éloignement. Mais ils ne marchaient pas vite, car les sentiers étaient abrupts. Lady Helena gravissait les pentes, soutenue, pour ne pas dire portée, par Glenarvan, et Mary Grant s’appuyait au bras de John Mangles ; Robert, heureux, triomphant, le cœur plein de joie de son succès, ouvrait la marche, les deux matelots la fermaient.

Encore une demi-heure, et l’astre radieux allait émerger des brumes de l’horizon.

Pendant une demi-heure, les fugitifs marchèrent à l’aventure. Paganel n’était pas là pour les diriger, — Paganel, l’objet de leurs alarmes et dont l’absence faisait une ombre noire à leur bonheur. — Cependant, ils se dirigeaient vers l’est, autant que possible, et s’avançaient au-devant d’une magnifique aurore. Bientôt ils eurent atteint une hauteur de cinq cents pieds au-dessus du lac Taupo, et le froid du matin, accru par cette altitude, les piquait vivement. Des formes indécises de collines et de montagnes s’étageaient les unes au-dessus des autres ; mais Glenarvan ne demandait qu’à s’y perdre. Plus tard, il verrait à sortir de ce montueux labyrinthe.

Enfin le soleil parut, et il envoya ses premiers rayons au-devant des fugitifs.