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À TRAVERS LA LOUISIADE.

« Ma foi, dit M. Hawkins, je ne serais pas fâche de me procurer un de ces paradisiers, dont Gibson m’a parlé si souvent…

— Ce sera facile, répondit Pieter Kip, car ce sauvage vient certainement pour l’échanger…

— Qu’il monte à bord », ordonna le capitaine.

Un des matelots déploya l’échelle de corde, La pirogue accosta et l’indigène, son oiseau à la main, s’élança lestement sur le pont, répétant ;

« Éboura… éboura… »

Son compagnon était resté dans la pirogue, dont la bosse fut tournée à un taquet, et il ne cessa de regarder attentivement le brick sans répondre aux signes que lui faisaient les matelots. Le naturel qui venait d’embarquer présentait le type distinctif de cette race de papouas-malais qui occupent les parties littorales de la Nouvelle-Guinée : taille moyenne, corps trapu, constitution vigoureuse, nez grossièrement épaté, large bouche aux lèvres épaisses, traits anguleux, cheveux rudes et droits, peau d’un jaune sale à coloration peu foncée, physionomie dure, mais non dépourvue d’intelligence et même d’astuce.

Cet homme, dans l’opinion de M. Gibson, devait être un capitan, un chef de tribu. Agé d'une cinquantaine d’années, à peu près nu, il n’avait pour tout vêtement qu’une peau de kangourou autour des reins, un pagne d’écorce sur les épaules.

Comme M. Hawkins n’avait pu retenir un geste admiratif à la vue de l’oiseau, ce fut à lui que l’indigène s’adressa tout d’abord. Après avoir élevé le paradisier à la hauteur de sa tête, il le balança et le retourna pour le montrer sous toutes ses faces.

M. Hawkins, très décidé à faire l’acquisition de ce magnifique manucode, se demandait ce qu’il pourrait donner en échange. Très probablement le Papoua ne serait point sensible à l’offre d’une piastre dont il ne connaissait sans doute pas la valeur.