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Page:Verne - Les Frères Kip, Tome I et II, 1903.djvu/171

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À TRAVERS LA LOUISIADE.

Si on ne le vit pas, aucun doute que l’un des canots n’eût été atteint parle projectile et coulé avec les Papouas qui le montaient.

La pièce fut aussitôt rechargée, non pour servir une seconde fois, mais en prévision d’un retour offensif qui ne se produisit pas.

Le faisceau lumineux du fanal, promené dans la direction de l’ouest, n’éclairait plus qu’une surface de mer absolument déserte, et déjà les pirogues s’étaient abritées derrière l’île d’Entrecasteaux.

Maintenant le James-Cook n’avait plus rien à craindre, ou du moins il ne serait pas surpris. Les précautions seraient maintenues, et l’on veillerait, toutes armes en état, jusqu’au lever du jour.

Les blessures de Pieter Kip, de Burnes et de trois autres des matelots furent alors visitées. M. Hawkins, qui s’y connaissait, put assurer qu’elles ne présentaient aucune gravité. La pharmacie du bord permît de leur appliquer un premier pansement et aucun des blessés ne songea même à regagner ni sa cabine, ni le poste d’équipage.

Lorsque Flig Balt et Vin Mod se retrouvèrent seuls à l’avant du brick, le matelot dit à voix basse :

« Manqué… on l’a manqué ! »

Et, si Flig Balt, suivant son habitude, ne répondit pas, Vin Mod savait bien ce que signifiait ce silence…

« Que voulez-vous, maître Balt, ajouta-t-il, au milieu d’une nuit si noire, on ajuste mal !… Après tout, il n’a même pas l’air de s’en être aperçu !… Une autre fois… on sera plus heureux ! »

Puis, se penchant à l’oreille de son compagnon :

« Fâcheux, tout de même !… murmura-t-il. À cette heure, Flig Balt serait le capitaine du brick, et Vin Mod son maître d’équipage ! »