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Page:Verne - Les Frères Kip, Tome I et II, 1903.djvu/211

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TROIS SEMAINES DANS L’ARCHIPEL.

sienne, peu différents de ceux de la Nouvelle-Guinée. Ce village en contenait cent soixante environ, hommes, femmes, vieillards, enfants, répartis en familles. Il va de soi qu’ils connaissaient M. Zieger et se soumettaient à son autorité, quoiqu’il n’eût que rarement à l’exercer parmi les tribus de l’intérieur.

Ses compagnons et lui furent accueillis par deux personnages âgés qui mettaient leur dignité à paraître impassibles et indifférents. Les femmes et les enfants se tenaient dans les cases, et il fut difficile de les approcher. De vrai, on n’est pas encore bien fixé sur la constitution des familles, ni sur l’état social des diverses peuplades mélanésiennes.

Le temps n’était plus où ces sauvages allaient à peu près nus, ou seulement vêtus d’un pagne d’écorce de vakoi, coupée en longs filaments rassemblés par une couture de libres. Grâce aux cotonnades anglaises et allemandes, maintenant répandues dans le pays, les étoffes rayées habillaient les hommes et aussi les femmes. Cette décence doit être considérée comme un commencement des réformes civilisatrices.

M. Zieger put donner des renseignements précis et précieux sur les habitudes de ces indigènes, dont les sens de la vue, de l’odorat et de l’ouïe sont extraordinairement développés. Aussi se montrent-ils d’une adresse et d’une souplesse incomparables à tous les exercices du corps. Mais, pour se livrer à un travail quelconque, il faut qu’ils y soient excités par le besoin, la nécessité de se nourrir. De caractère indolent, ils aiment le repos par-dessus tout. Dans ce village, la plupart des habitants étaient étendus en dehors de leurs cases. S’abandonnant à une complète nonchalance, les jambes croisées l’une sur l’autre, les mains ramenées à la poitrine, regardant mais ne parlant guère, ils mâchaient sans cesse le bétel, comme les Orientaux fument de l’opium, comme les Occidentaux fument le tabac.