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LES FRÈRES KIP

dénonciation du maître d’équipage contre Karl et Pieter Kip.

Lorsque l’assistance, si profondément troublée, eut recouvré un peu de calme, le président donna la parole à Flig Balt, afin qu’il pût compléter sa déclaration.

Flig Balt le fit très nettement, très brièvement aussi, et en des termes qui ne laissèrent pas de produire une impression favorable.

Le 25 décembre, vers le soir, alors qu’il n’avait plus le commandement du brick, il se trouvait dans le rouf. La porte de la cabine occupée par les frères Kip n’était point fermée. À ce moment, un violent coup de roulis secoua le navire, et une valise fut projetée jusque dans le carré. C’était celle qui avait été rapportée de l’épave de la Wilhelmina. En glissant, cette valise s’était ouverte et des papiers s’en échappèrent ainsi qu’une poignée de piastres qui s’éparpillèrent sur le plancher.

Le bruit des pièces d’or attira l’attention de Flig Balt en même temps qu’il excitait son étonnement. On n’ignorait pas que Pieter et Karl Kip avaient perdu tout ce qu’ils possédaient d’argent dans le naufrage. Quoi qu’il en fût, Flig Balt, après avoir ramassé ces pièces, allait les remettre dans la valise avec les papiers, lorsqu’il reconnut ceux du James-Cook, le connaissement et la charte-partie que le capitaine Gibson portait sur lui le jour de l’assassinat et qu’on n’avait plus jamais retrouvés.

Flig Balt, épouvanté de cette découverte, sortit du rouf. Il ne pouvait plus mettre en doute que les frères Kip ne dussent être les coupables. Son premier mouvement fut de courir à M. Hawkins, de lui dire : « Voici ce que j’ai découvert… » de rejoindre Nat Gibson, et de lui crier : « Voilà les assassins de votre père !… »

Oui… et c’est ce que le maître d’équipage aurait dû faire… Il n’en fit rien… Il ne parla même plus à personne du secret qu’il venait de surprendre… Mais rester sous les ordres d’un criminel, du meurtrier de son capitaine, il ne put s’y résoudre… Il voulut lui arracher