Page:Verne - Les Frères Kip, Tome I et II, 1903.djvu/372

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
348
LES FRÈRES KIP

reste, sauf pour les besoins du pénitencier, ils n’y viennent guère qu’en relâche forcée. La raison en est que le commerce est nul dans ce port, auquel l’avenir réserve une certaine prospérité si sa destination vient à changer.

En effet, la population de Port-Arthur est de composition toute spéciale : les employés du gouvernement, les constables, les soldats des deux compagnies d’infanterie. Ce personnel, placé sous l’autorité d’un capitaine-commandant, est préposé au fonctionnement et à la garde de l’établissement pénal. Ce chef, le capitaine Skirtle, en résidence à Port-Arthur, occupait alors une confortable habitation, bâtie sur une pointe élevée du littoral, d’où la vue s’étendait jusqu’à la pleine mer.

À cette époque, l’établissement comprenait deux divisions, affectées à deux catégories de convicts très distinctes.

Le premier se voyait sur la gauche en entrant dans le havre. Son nom de Point-Puer indiquait qu’il était destiné à de jeunes détenus, — plusieurs centaines d’enfants compris entre douze et dix-huit ans. Trop souvent déportés pour des délits en somme peu graves, ils occupaient des baraques de bois aménagées en ateliers et en dortoirs. C’est là qu’on tentait de les ramener au bien par le travail, par l’instruction moralisatrice que les règlements imposaient, par les leçons qu’ils recevaient d’un ministre chargé de diriger les pratiques religieuses. Enfin, c’est de là qu’ils sortaient parfois bons ouvriers, en cordonnerie, en menuiserie, en charpentage et autres métiers manuels qui pourraient leur assurer une honnête existence. Mais on leur faisait la vie dure, à ces jeunes reclus, sous la menace des punitions en usage, l’internement en cellule, la mise au pain et à l’eau, le fouet incessamment brandi par la main des constables contre les récalcitrants.

Au total, de ceux qui quittent le pénitencier à l’expiration de leur peine, les uns restent dans la colonie comme ouvriers et les autres