Aller au contenu

Page:Verne - Les Frères Kip, Tome I et II, 1903.djvu/384

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
3582
LES FRÈRES KIP

Un instant après, le jeune Skirtle était sauvé, et le chien se débattait contre son sauveur dont il avait pris le bras gauche entre ses crocs sanglants, et qu’il déchirait avec rage…

Cet homme tenait à la main un fer de pioche, et il le plongea dans le corps du dogue qui retomba pantelant sur le sol.

Mme Skirtle tenait son fils dans ses bras et le couvrait de caresses, tandis que le capitaine se retournait vers l’homme, — un galérien dans son costume jaune.

C’était Karl Kip. Il travaillait à cent pas de là, il avait entendu les cris des constables, il avait aperçu le chien lâché à travers la forêt. Et alors, sans songer au danger, il s’était précipité sur les traces de l’animal.

Le commandant reconnut cet homme, dont le sang coulait d’une horrible blessure. Il allait s’avancer vers lui pour le remercier, pour lui faire donner des soins, lorsqu’il fut devancé par Pieter Kip.

Aux cris poussés en deçà de la lisière, les escouades s’étaient portées de ce côté en même temps que les constables.

Les derniers arbres dépassés, Pieter Kip, voyant son frère étendu près du corps de l’animal, courut à lui en criant :

« Karl… Karl !… »

En vain les gardiens auraient-ils voulu le retenir. D’ailleurs, sur un signe du capitaine vers qui Mme Skirtle tendait les mains et dont le fils implorait la pitié pour son sauveur, il fit signe aux constables de s’écarter. Et, pour la première fois, depuis sept longs mois de séparation, de misères, de désespoir, Karl et Pieter Kip pleuraient dans les bras l’un de l’autre.