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LES FRÈRES KIP

der, ni qu’il s’agissait des Irlandais O’Brien et Macarthy. Et combien cette tentative devait exciter l’envie de ces misérables ! Eux, condamnés de droit commun, ils se mettaient au même rang que les condamnés politiques !… C’étaient des prisonniers comme eux, ces fenians, et ils avaient pu s’évader !… Avaient-ils réussi à quitter la presqu’île, à franchir les palissades de l’isthme ?… Étaient-ils cachés dans la forêt, en attendant qu’un secours leur vînt du dehors ?…

Ce qui se disait dans les dortoirs se disait aussi dans la cellule des frères Kip. Mais ceux-ci savaient ce qu’on ne savait pas : un navire devait recueillir les fugitifs… une embarcation devait les prendre sur la pointe de Saint-James… Or, l’embarcation s’y était-elle trouvée à l’heure dite ?…

« Non… ce n’est pas possible !… affirma Karl Kip en répondant aux questions de son frère. Le vent souffle en rafale dans Storm-Bay !… Aucun canot ne pourrait accoster !… Un bâtiment, même un steamer, ne se hasarderait pas si près du littoral….

— Alors, observa Pieter Kip, ces malheureux seront obligés de passer la nuit sur la pointe ?…

— La nuit et le lendemain, Pieter, puisque l’évasion ne peut se faire le jour… Et qui sait si cette tempête aura pris fin dans vingt-quatre heures ?… »

Pendant ces longues heures, ni l’un ni l’autre des deux frères ne purent dormir. Tandis que la tourmente fouettait l’étroite fenêtre de leur cellule, ils écoutaient… Quelque bruit ne se produisait-il pas, un va-et-vient de constables indiquant que les deux Irlandais, arrêtés dans leur fuite, rentraient au pénitencier ?…

Voici dans quelles conditions, ce jour-là, s’était effectuée l’évasion d’O’Brien et de Macarthy, avec la complicité de leur compatriote Farnham.

Il était près de six heures. Les escouades achevaient leur travail