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Page:Verne - Les Frères Kip, Tome I et II, 1903.djvu/473

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LE FAIT NOUVEAU.

« Ils n’ont pas fui !… s’écria M. Hawkins, ils ont été enlevés de Port-Arthur !… Oui !… ils sont revenus de plein gré… revenus parce qu’ils sont innocents, parce qu’ils veulent faire éclater leur innocence au grand jour ! »

C’était la vérité.

En effet, la veille, un steamer américain, le Standard de San Diego, avait mouillé sur rade avec une cargaison à destination d’Hobart-Town. Karl et Pieter Kip se trouvaient à bord en qualité de passagers.

Au cours de la traversée de l’Illinois entre Port-Arthur et San Francisco, les deux frères s’étaient d’abord tenus sur une extrême réserve vis-à-vis de leurs compagnons de bagne. Ils avaient même protesté contre l’enlèvement. D’ailleurs, lorsqu’ils affirmèrent de nouveau qu’ils n’étaient pas les meurtriers du capitaine Gibson, ni O’Brien, ni Macarthy, ni Farnham, ni personne ne mit cette affirmation en doute. Et, s’ils regrettaient cette évasion, c’est qu’on s’occupait de la révision de leur procès, révision qui pouvait ainsi se trouver compromise.

D’autre part, bien que ce fût le hasard, le hasard seul, qui eût amené les frères Kip sur la pointe Saint-James, ils n’avaient pu hésiter à lutter contre les constables. Et, dès lors, quoi de plus naturel que les fenians eussent profité de cette circonstance pour les entraîner à bord du navire américain ?… Après le service que Karl et Pieter Kip venaient de rendre aux Irlandais, n’était-ce pas là un acte de reconnaissance, et pouvaient-ils se repentir de l’avoir accompli ?… Non, et, en somme, ce qui était fait était fait.

À l’arrivée de l’Illinois au port de San Francisco, les frères Kip prirent congé des Irlandais, qui essayèrent en vain de les retenir. Où allaient-ils se réfugier ? Ils ne leur dirent point. Seulement, étant sans ressources, ils ne refusèrent pas d’accepter quelques centaines de dollars à rembourser dès que cela serait possible. Après