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LES FRÈRES KIP

semblait mettre la mer en ébullition, comme si elle eût été surchauffée dans ses couches inférieures. Les hautes voiles se gonflaient et le James-Cook laissait un léger sillage derrière lui.

Et, dans la matinée, comme M. Hawkins, Nat Gibson et le capitaine causaient de ce dont il est si naturel de s’entretenir en cours de navigation, du temps qu’il fait et du temps qu’il fera, M. Gibson dit ;

« Je ne crois pas que cela dure…

— Et pourquoi ?… demanda l’armateur,

— Je vois à l’horizon certains nuages qui nous donneront bientôt du vent… ou je me trompe fort.

— Mais ils ne s’élèvent pas, ces nuages, fit observer M. Hawkins, ou, s’ils montent un peu, ils se dissipent…

— N’importe, mon ami, ils finiront par prendre corps, et les nuages, c’est de la brise…

— Qui nous serait favorable, ajouta Nat Gibson.

— Oh ! fit le capitaine, nous n’avons pas besoin d’une brise à trois ris !… Seulement de quoi remplir nos bonnettes et arrondir nos basses voiles…

— Et que dit le baromètre ?… demanda M. Hawkins.

— Il a une légère tendance à baisser, répondit Nat Gibson, après avoir consulté l’appareil placé dans la salle du rouf.

— Qu’il baisse donc, dit le capitaine, mais lentement, et ne fasse pas des bonds de singe qui grimpe puis dégringole sur son cocotier !… Si les calmes sont ennuyeux, les coups de vent sont redoutables, et je crois qu’il est, en somme, préférable…

— Je vais te dire ce qui serait préférable, Gibson, déclara M. Hawkins : ce serait d’avoir à bord une petite machine auxiliaire, quinze à vingt chevaux, par exemple… Cela servirait à faire de la route lorsqu’il n’y a plus un souffle dans l’espace, puis à entrer dans les ports et à en sortir…